dimanche 29 décembre 2019

vendredi 6 décembre 2019

Ma plus belle nuit d'amour











C'était les bords de Seine,
J'm'en souviens très bien.
J'étais parti de bon matin, un dimanche d'avril avec une assistante commerciale.
Son visage m'avait d'emblée séduit.
Après Pontoise, La campagne était verdoyante,
Qu'ils étaient beaux ces villages en pierres du Vexin.
Surtout la campagne vallonnée avec ces shetland paisibles dans les prairies.
De la voir se pencher cueillir l'herbe. La posture me semblait belle, naturelle, figée comme une femme d'une autre époque.
Whoua !  quelle idée géniale, j'avais eu.
J'avais choisi en décor de fond le château de la Roche Guyon et le guide du routard me porterait chance pour l'escapade amoureuse.
Depuis ma chambre d'habitant,  la veille,  je pouvais suivre de long en large le panorama de la route des crêtes. De mon lit, je voyais déjà la Seine.
Éclairé avec soin, les menus  " Logis de France " puis comme un avant-goût, les marches du château à travers la roche calcaire pour accéder enfin au donjon. Endroit panoramique sur les méandres du fleuve à 360° pour commémorer la romance.
Une journée inoubliable où je jubilais ma perspective amoureuse sur les bords de Seine illuminés.
Quand la soirée serait fraîche après les agapes, il suffirait de coller mon corps auprès de cette inconnue. Ma dernière nuit en tête à tête, La lune ronde éblouissant mes pensées divinatoires ne la quittant plus dont l'atmosphère de ma chambre m'envahissait comme l'impression d'être pour une seule fois, le gardien de ses rêves.
Si le bonheur ou les choses mystérieuses commencent toujours par une histoire en mouvement. D'instinct j'étais tombé à pic.
Le lendemain,  je découvrais la route des crêtes et la petite place du village.
Qu'il était imposant ce château adossé à la roche crayeuse,
Les parquets, les toiles murales en tissu, ces grandes fenêtres,
Ces tableaux , ces visages de la famille de La Rochefoucault dont je n'avais que faire.
Ce silence, cette odeur ancienne
Malicieusement, j'attendais l'accès des marches pour franchir tous les paliers du bonheur.
Du haut du donjon, je dominais la Seine, encore quelques heures, mes mains n'allaient pas tarder à effleurer ces hanches menues. Quand une femme vous regarde droit dans les yeux ! Il faut rester concentré sur les choses à venir.
Et le menu, je l'avais étudié,
Martini rosso dans les verres long drink pour frapper la notion de plaisir dans le cadre sympathique du restaurant ;
Fasciné par sa voix douce, je ne réalisais pas,
Hélas vite apostrophé par le maître d'hôtel qui m'avait vite réveillé pour énoncer le
- Foie gras et ces toasts, fleur de sel de Guérande, petite sauce verte melon pour madame.
- Pour suivre, sole meunière accompagné de petits légumes vapeur.
Et devant lui, encore perdu dans les nuages.
- J'avais choisi des moules marinières
- Un filet de boeuf, frites
Comme l'impression de ne pas avoir fait le bon choix où les mets de poissons étaient réputés nobles.
La sentence n'allait pas tarder, le seul au milieu du restaurant avec la grosse marmite noire posée sur la table. Sentant le regard des clients se posaient sur moi. Avais-je fait une bêtise?
De plus, c'était des grosses moules et je voyais Ambre se délectait de son foie gras avec sa sauce melon verte dessinée sur l'assiette, la pointe de son couteau nappant quelques cristaux fleur de sel sur le toast.
Et moi, me bagarrant à la cuiller pour chercher des lamelles d'oignon au fond de la marmite.
De plus, ça commençait à me gargouiller,
J'me disais :
Qu'est-ce qui m'était passé par la tête?
Heureusement, le Pouilly fumé était frais, minéral comme je l'aimais pour laisser accueillir la belle sole appétissante dans son beurre noisette citronnée bien persillée destinée à ma dulcinée.
D'un geste délicat, la voyant décoller méticuleusement le filet du poisson avec le dos de la fourchette pendant que je mastiquais un morceau de viande que je n'arrivais pas à déglutir.
Mon visage blême, en hochant constamment la tête sans prononcer un mot face à ses questions avant de saisir la serviette blanche en tissus pour dissimuler cette boule de viande qui me dégoûtait.
De plus, mes mains sentaient l'odeur des moules avec ce rince doigts qui puait le liquide vaisselle me donnait des nausées.
Je n'étais pas à l'aise.
Sans doute devait elle se dire ce mec est bizarre?
Bien silencieux , maladroit, peut être timide.
J'attendais impatiemment le dessert.
- Le café gourmand arrivait pour Madame,
Je revois encore ces petites mains piocher délicatement les mignardises. La gestuelle féminine, gracieuse qui émerveille pour réveiller le cœur des hommes.
Avant de prendre le frais, j'avais choisi la sonate de printemps. Histoire de mettre ma bouche en préparation exquise. Les sorbets aux fruits qui arrivaient à point pour m'enlever ce goût d'oignon.
Le temps de régler l'addition au bar, ma main posée sur mon ventre,
J'étais monté illico pour prendre les premières toilettes. Un mal à me tordre où je voyais le papier de toilette diminuer à peau de chagrin.
Et le temps qui semblait long.
Enfin soulagé, je sortais, l'air penaud.
Ne la voyant plus dans le vestibule du restaurant.
Sur le parking. Collée à la voiture,
Elle m'attendait tristement.
Pas de doute, je lui avais fait de l'effet...

mercredi 4 décembre 2019

Le train de mes mains

J'ai pris le train de mes mains. Quand la nuit déraille, elles m'accompagnent sans crier gare.Sais-tu que les mains sont les traverses qui mènent aux adieux? D'un train qui ne revient jamais, elles emportent, infidèles, les coups de butoir.
Celui-là connaît son départ. L'étroit vallon d'une joue rebondie,- l'arrête d'un nez, toutes ces montagnes qui font les pommettes saillantes et les ponts du regard, infranchissables. Dans un wagon-lit aux doigts de rose, mes ongles te démaquillent. Comme une empreinte délicate, un voyage immobile ou je m'accroche désespérément. Convoi détourné, il a passé les roches sourcilleuses. La fonte du rimmel. Un temps chagrin et boudeur sur ton visage à peine endormi. Personne n'est venu m'attendre sur le quai. J'ai regardé mourir le halo des abats-jour.Un ciel plafonné, comptant les heures, en vain...
Ce train-là n'arrivera jamais à destination.Trop de courbes et de dénivelé dans la monotonie passagère.Trop d'incertitudes sous l'éclair noir des paupières.Une jonque s'éloigne à chaque battement de cils. C'est un voilier aux lattes cousues,  un store de bambou où plus rien ne filtre. Pas même la mousson quand j'apprenais là-bas à deviner tes ombres chinoises.Le train s'y attarde mais sans la folie d'autrefois. Paysage choisi ,il manque désormais la magie du premier regard. Les arcades feintes au crayon et surplombant les yeux, la ligne d'un long tunnel incurvé.
A travers la vitre, passaient là des mascaras aux reflets moirés. Des lueurs malicieuses dans la prunelle gris-bleu de l'aube. Sous le fard ,des soleils enfumés d'eau et de cendre. Ce matin,  rien. Juste un froid qui balaie l'oreiller. Je n'ai que moi à vivre. Dans des haltes d'haleine, une solitude cahotante, un compartiment réservé. Fini les manches pagodes où j'allais rejoindre un coin d'épaule .L'express à bout de bras .Et pomme ouverte, l'aiguillage à trois voies autour de tes maigres poignets ronds.
C'était le temps où nos mains se croisaient.Celui des fourgons de tête quand les valises sous les yeux, nous partions sans bagages. Celui des soleils à points fermés. De cette vie voyageuse, il reste une voiture couchette.
Mes mains en train...

(texte Jonavin)

mardi 19 novembre 2019

Les Galantes

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Au 19ème siècle, les femmes qui ont la chance d'être nées sous une bonne étoile fréquentent les bains de mer Cabourg, Deauville, la Baie de Somme, Le Touquet Paris-plage, Arcachon, Biarritz. Et j'en passe.
Chaque jour d'été, les rayons de soleil passent à  travers les bow-windows et la vie balnéaire respire le vent iodé sur la côte normande, picarde, d'opale de ci et là.
A partir de 1850 le réseau ferroviaire se développe à grande vitesse.
En 1860, la ville d'Angers n'est déjà plus le terminus.
Dans un village du Morbihan,  au lavoir, une paysanne papote sous les airs effarés de visages bronzés, eh oui dimanche dernier, sa cousine Marie à vu ses maîtres manger des cailloux en parlant d'huîtres,
Léonie,  à la peau de lait, blonde aux traits fins,  la robe corsetée. Chignon bien remonté dans la fraîcheur de ses vingts ans laissant apparaître quelques grains de beauté sur sa poitrine dont les mains gantées s'amusent à faire tourner l'ombrelle sur le quai d' Austerlitz, en attendant son amoureux.
Il faut beaucoup de temps pour être élégante,
Vincent Van Gogh n'a pas encore peint un champs de blé à Auvers sur Oise, au Borinage en Belgique, lit quelques textes de la bible parfois Dickens chez les pauvres gens. Sa peinture n'a pas encore la couleur mais son regard devant une famille de mangeurs de pommes de terre révèle l'émotion d'une jeune paysanne aux doigts crochus que déjà veloute le paysage..

dimanche 17 novembre 2019

3ème et 4ème partie un nombre parfait

.

J'ai égaré le passage concernant l'escalier de Chartres pour la 3ème partie. Désolé, impossible de retrouver le fichier.
.../...
Vous sera craché autant de fois qu’il apparaît dans notre bible. Céleste, comme la béatitude, les anges. Comme ces corps, qui bientôt pourriront derrière un talus ou une porte cochère.
Céleste comme discipline et le nombre 13, au rang des chiffres maudits. Mais vous n’en savez rien, mon père. Vous, vous marchez en me parlant des étoiles, du pardon des hommes, d’une justice à l’encan du péché des fidèles qui vous suivent aveuglément
Hector Gaillac n’expiera pas du péché de gourmandise. Avant que je ne le rencontre, il doit fêter ses noces de tourmaline en avril prochain. C’est un boucher gras et adipeux, féru de viande bisonne qu’il bonimente parfois sur un marché couvert d’Issoudun. Je le tuerai avec une fourchette de maillechort planté dans la gorge. A vendre ses côtelettes, ce bon vivant dépeceur, touche au sacré.
Tout comme Amandine Creusot d’ailleurs, étudiante en histoire que j’étranglerai en récitant les Djinns de Victor Hugo. Elle aussi touche au sacré. Je l’ai rencontré lors du rassemblement des jeunesses chrétiennes à la gloire du pape. Froidement, je l’écoute me parler de son travail sur les tombes miniatures, sculptées dans la pierre de la Grande Pyramide. Sur le règne d’Osiris ou celui de Jéhu à Samarie en Israël. Comme une litanie où les chiffres résonnent dans un reliquat d’histoire déjà oublié.
Ce qui est mystère doit rester mystère.
Mieux que le crime, mon père, j’ai trouvé un nombre parfait…

(texte jonavin)

jeudi 14 novembre 2019

Un nombre parfait (2ème partie)

Au cœur de la Beauce, département de l’Eure et Loir, à moins de trente kilomètres de Chartres. C’est ici que nous sommes, en vue des flèches du clocher. Partis de Notre-Dame, sous la galerie des Rois où veillent les statues, j’ai le long du trajet, ressassé les « temps de l’Ecclésiaste : chapitre 3, verset 2 à 8 »
…Il y a un temps pour tout, un temps pour toutes choses sous les cieux. Un temps pour… »Une manière symbolique de donner corps à mes pulsions, de baliser ma folie intermittente et de jauger ce jeune séminariste qui inquiet, avait tout de suite chiffonné le papier de mon énigme non résolu, en souriant. (Une plaisanterie de gamins, n’y prêtons guère attention et prions maintenant, voulez-vous…) 
Prions, oui. Pour le salut de votre âme. Pour l’opus 28 de Chopin. Prions mon père, pour l’Avent et les constellations chinoises. Pour tous ces mystères qui vous condamnent. Prions pour les changements de lune et le mois de février purificateur. Et priez pour notre vieillard crédule, renvoyé aux calendes grecques, mort de sa belle mort. Ce géronte de Sparte, élu local et maire influent, tombé accidentellement du pont des Minimes. N’est-il pas dit que Dieu juge ainsi les justes et les méchants ? Aujourd’hui, nous fêtons les romains. Et quoi de mieux que l’hiver pour tuer les miasmes de votre existence d’ascète. Et que retenir de vos marmonnements secrets ?
A la première halte, je lui donne ma gourde. Calice de douleur où la patène de mes doigts couvre ses lèvres déjà molles. Depuis la forêt de Rambouillet, je lui récite l’acte des apôtres, énumérant chaque matière avec un sang froid méthodique. Je l’observe qui hoche la tête. Sans doute se souvient-il de son sacerdoce pas si lointain où étudiant religieux, il travaillait encore sur les occurrences…

texte Jonavin

mercredi 13 novembre 2019

Un nombre parfait (1ère partie)



Le prêtre Armand Morel a un vieil accent lorrain. De profil, je peux lire l’alphabet de Dieu dans les voyelles de sa voix sonnante. Comme une peau moite, elle transpire puis s’essouffle à mots espacés. Dans l’écho des brodequins ferrés, tintent les tiraillements douloureux de son pas claudicant. D’une haleine, voilà qu’il rabâche en bon perroquet, les pèlerinages de Pentecôte et l’itinéraire de cette route régionale emprunté autrefois par Charles Péguy. Je l’écoute réciter un passage de la crucifixion, calquant mon allure à sa démarche engourdie. A perte de vue, l’ombre de mon bâton gangrène la terre humide. Les champs de blés verts habités de vent. Et le ciel, qui arrosé de gouttes froides colle aux chemises. C’est un vent d’orage. Un vent boiteux qui trébuche sur la lecture du prêtre dans ses images d’Epinal.
Sac à dos, une demi-douzaine de famille déambule le long des fossés. Contre les rafales, quelques scouts ci-et-là, brandissent mollement leurs bannières multicolores. D’autres encore, égrènent leur chapelet, tête basse, jambes lourdes, n’évitant plus les flaques qui désormais, reflètent l’image d’un cortège désuni.
Du macadam goudronné monte une odeur de mort lente. Dans le faisceau de plusieurs lampes torches, le ciel semble à peine éclairé.
L’aumônier s’arrête pour reprendre haleine. A cet endroit, le sol est caillouteux avec un chemin tissé de ronces jusqu' à la borne. Il écoute battre son cœur fatigué par l’effort. Je l’observe prendre appui sur sa badine. Un obèse du nom de Gaillac manque à l’appel, ce qui porte à six maintenant, le nombre de fugitifs ou de disparus depuis la veillée de prière.
L’averse torrentielle de cette nuit a trempé les sacs de couchage. Et peut-être anéanti le courage des plus fervents à combattre les doutes autour du bivouac. Dans ma besace, un jeu de dominos et une édition de poche du roman " Robinson Crusoé " ne sont qu’un alibi. Comme l’arsenic versé à petites doses dans son café brûlant.
Le père Morel n’a pas revêtu son costume ecclésiastique. Pas de longue robe boutonnée très haut ni de chapeau à glands comme le curé d’Ars dans " le sorcier du ciel ". Juste un pull à col roulé vert pomme. De son front large, un bonnet noir et quelques cheveux fillasse lui prête la crinière épaisse du bison. Longtemps, j’ai cherché dans ce visage poupin, une figure vieillie, amère, détestable. Mais je n’ai vu qu’un visage en pleine lune. Bouddha méditant sous son figuier. Et la coiffe en plumes d’aigle d’un chaman Arapaho. Comme la beauté du diable encorné pendant la danse du soleil, un totem dans un face-à-face spirituel entre la bête et le danseur. Je n’ai vu que mes crimes, fautivement quantifiables, atroces, calculés, prémédités.

texte Jonavin

mardi 29 octobre 2019

Terraplane blues


I'm on'h' ist your hood, mama mm

I'm bound to check your oil

I got a woman that I'm lovin'

           way down in Arkansas...



Le blues lui revient en mémoire. Poppy l’aime bien ce morceau.

Combien de fois l’a t- il miaulé dans les juke-joints de Clarksdate?

Il ne saurait le dire. Mais ce soir, le souvenir de Thelma est là, qui le hante. Forcément. Il se rappelle bien l’avoir séduite sur le capot d’une Terraplane d’avant-guerre. Elle est morte en couches avec le bébé, un jeudi de novembre 1930.

Alors, il avait soufflé fort dans son harmonica pour apaiser le crossroad. Et de son mojo, brûlé les os noirs où danse le cœur du Diable. Mais ça n’avait pas suffit...

Griot des plantations, il a d' abord fui au fond des marécages. Pour oublier. Comme étranglé par les mousses espagnoles dont les doigts sorciers semblaient le pendre aux cyprés. Dans les ténèbres, il a porté le deuil avec les alligators. Mangé cet éclat de lune qui lui gobait les yeux. Là où les arbres flottent, Poppy a senti le vent gémir, accordant son maudit Dobro à la colère des eaux buvant le ciel. La nuit clouait des harfangs pour lui vendre une étrange lumière. L’harmonica pleurait aux murmures des étoiles. Au bruissement des pins rouges que l’aube baignait sans cesse en lueurs vaudou. Pour l’interdir de dormir.

Mais l’ombre de Thelma n’a jamais vraiment disparue.

Alors, il avait quitté le bayou et le Mississipi. Direction l’inconnu.

Au hasard des bouges crasseux et des picnics pour jouer les mêmes work-songs. Seul, forcément. Parfois il chuchotait son blues, parfois, il l' haletait. Gonflant les veines, se mordant les joues pour étouffer les derniers sanglots de sa gorge sèche...

Vingt-ans après, la Terraplane roule encore. Il a vérifié son niveau d’huile et clandestin, file en direction des freeways. Les seize-ans de Thelma lui soufflent toujours une chienne de mort. Comme cette guimbarde cahotante où chaque mile saigne leur jeunesse cotonnière de Greenwood. Dans le rétro, il peut voir son visage. Avec des yeux noirs et torves.

Sa barbe ronge une peau tuméfiée dont les cicatrices sont encore profondes. La protubérance des pommettes accentue la dureté des traits. Et cette barbe-là   s’engouffre à chacun des angles, monte en broussaille sur une bouche lapidée qui dévore celle endormie de Thelma, fantôme sur la banquette arrière.

Poppy ce soir a perdu son âge.
traduction :             ...And I feel so lomesome

              You hear me when I moan?
Il sourit. Big Mama Smith dit toujours que le piano de ses dents ne connaît pas l’art mineur. Seul l’ivoire insuffle l’écume du delta à ses lèvres, comme muées par les forges de l’enfer. D' abord sourde, la plainte monte de sa bouche, en quête de la maudite note qui apaisera le feu. Elle pénétre la puissance du souffle pour ensuite écorcher ses longs doigts autour du chrome. Poppy a cette façon déchirante de frotter les anches métalliques ; un timbre rauque, cri d’orviétan quand le Diable ricane ; comme si la douleur, soudain sonore enfantait le désordre de l’âme. Forcément. Et Big Mama savait l’écouter. Et Thelma aussi quand il jouait le blues avec son âme...


Je vais soulever ton capot, chérie

Je vais vérifier ton niveau d' huile
Il y a une femme que j' aime là-bas en Arkansas...

je me sens si seul, tu m' entends quand je gémis?...

(texte Jonavin)

jeudi 24 octobre 2019

Bleu pour le ciel à contre courant



Allongé sur le dos,
Hier, j'aimais
Le mouvement de tes doigts
Oscillant dans la seiche au vent
Chapeau de paille entouré d'un ruban
Flottant
L’insouciance
J’aime tout en toi
Quand tu sèmes à tout vent
Là, où ton ombre butine
Et caresse les peaux blanches
Libellule pour la tourbe légère
Bleu pour le ciel à contre courant
Bleu pour la romance du ciel

mercredi 16 octobre 2019

A la ligne

Je me suis levé tôt. Les ombres mouillaient la nuit. Autour de la montagne, un feu d'étoiles.
Dès l'aube, j'ai pris mon filet pochoir, une vieille raquette de tennis débarrassé de son cordage à laquelle j'ai rajouté la poche d'une épuisette. Papa l'avait dit : C'est à la rosée qu'il faut les prendre, quand elles sont engourdies par la fraîcheur nocturne!"
Le filet est très utile dans les marais herbeux. Suffit d'exercer des mouvements de balayage jusqu'à ce que la poche s'alourdisse. Évite de faucher après la pluie mais patiente avant un orage. Les sauterelles seront nombreuses et actives avec un ciel noir. Papa appelait ça la chasse éclair.
J'ai gardé ma prise dans un bocal hermétique.Un simple pot de confiture dont j'ai percé le couvercle.Conserve les vivantes disait-il. La sauterelle est l'appât le plus efficace quand les eaux se teintent.

Aussi, le ciel gronde encore que j'attache le manche de la canne sous la selle de mon vélo, laissant dépasser le scion bien au-delà du guidon.J'ai déjà préparé le panier en rotin, le raphia et les hameçons. Je pédale prudemment le long du ruisseau. Peu à peu, l'obscurité laisse place à une légère brume qui stagne dans les eaux basses. Parfois, un corbeau croasse, une branche flotte, griffure dans la nuit. A l'endroit de la montagne, là où le torrent se calme et forme un coude sans trop de courant, je pose enfin ma canne. Rien a changé. Ni les pierres formant un pont dans le tumulte apprivoisé, ni les roseaux jaseurs d'une fin d'été. Rien.

Studieux, je "lis" les mouvements de l'eau. Les courants, la profondeur. La discrétion, comment s'accroupir sans faire de bruit, comment s'interdire de patauger dans le lit du ruisseau quand la truite s'y couche. Tout comme tu me l'a appris. Peu importe la bredouille.
Je plombe assez bas, à quelques centimètres de l'hameçon afin de pêcher le plus léger possible. Car le poids est l'ennemi du pêcheur, mon garçon rappelle t-en.D'ailleurs, il n'est pas rare d'avoir une touche à moins de vingt centimètres d'eau. La canne est celle de mon enfance. Un long bambou avec un moulinet dans le talon, flexible mais fragile. Papa me l'avait fabriqué pour mes huit-ans. Entretoisée artisanalement, son fil intérieur conserve une glisse parfaite, même sous la pluie. Je la sert très fort, les yeux humides.

Ensuite, je fais passer l'hameçon derrière la tête de la sauterelle, sous le corselet, faisant ressortir l'ardillon de moitié. L'insecte gigote. Le plomb de touche est assez loin afin que l'appât puisse remonter dans le courant.C'est étrange. Les gestes sont mécaniques.
Il y a un peu de vent. Doucement je me couche à plat ventre. La truite est là. Méfiante. J'apprécie la distance qui nous sépare.Tandis que la sauterelle tombe à l'eau. Je la ferre sans hésitation.

Tu ris...

(texte Jonavin)

dimanche 13 octobre 2019

La souche

Jamais Louise n’a senti le vent
Ni personne pour caresser sa peau tiède
Aucune embellie où tout se rapproche
Allongée sur une souche en forêt de juin
Elle dort
Une lueur ou bien une ombre
Transperce son corps
Puis se retire
Pour lui dire
Adieu

jeudi 10 octobre 2019

La dame de Monsoreau

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iL y a toujours ce bouquin de la « Dame de Montsoreau » sur mon lit. Et je n’aime pas lire.
S’il y avait une fête populaire au Puy Notre Dame, au moins je t’emmènerai voir les fameuses galipettes, oui ces champignons de Paris que l’on cultive dans les galeries Saumuroises.
Ils sont énormes parce qu’on les laisse pousser plus longtemps. Et puis un jour, la tête tombe pour se rouler. Alors, on les ramasse pour les faire griller sur de grands barbecues, accompagnés d’un beurre d’escargots que l’on déguste avec des fouées.


Tu sais, ces petits pains cuits au feu de bois, garnis de rillettes, de mogettes, de fromage de chèvre ou de beurre salé.
Perdue, au milieu de ces grandes tablées aux fumées odorantes.
J’aime quand tes lèvres goûtent le vin framboisé. Dans l’instant, je te vois en robe légère t’allongeant au bord de l’eau. Tête rêveuse.
Le pont de Gennes, magnifié par une coulée de lumière où j’imagine, le premier rendez-vous. L'ombrelle habillée de noir ouverte comme un parapluie qui tourne comme une fleur agitée.

Attendant que le soleil touche la main. 
Paupières mi-closes,
Depuis la chambre
, j’écoute la pluie…

mercredi 9 octobre 2019

La petite place de Marçon





La petite place de Marçon était calme, moment idéal pour casser la croûte au soleil. 
Assis sur le banc, je découvrais les lieux pour la première fois.
Etrange novembre en bruyère sous le soleil pâle.
Comme l’endroit s’y prêtait, j’imaginais...

samedi 5 octobre 2019

Un petit mariage de campagne

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Les familles se disloquaient le long de la petite route de campagne.
Je me souviens encore des pas qui crissaient sur le gravier, de ce vent soulevant les vêtements.
Le porche de l’église romane dans la pâle lumière de décembre avant que ne résonne « Gloria in excelcis Deo »
La mariée, au bras de son père avançant doucement  jusqu' au transept, teinté  de » Terre d’espoir qui réveillait le chœur d’Elgar. »
Le bouquet rond champêtre dans la légèreté de la main,  dans la portée
De
Frantz Schubert –«  Avé Maria »,
Haendel –«  Alleluia »
Ainsi que,
Borodine, Verdi et d’autres dont j'ai oublié les noms.
Mais la clef la plus saisissante,
C’était la sortie des mariés dans la pénombre,
Un lancer de confettis, de riz, de pétales roses, blanches qui tournoyaient dans la nuit, le tout bercé par le son des cloches.

jeudi 26 septembre 2019

Caïffa

Résultat de recherche d'images pour "photo de colporteur de marchand de café"On peut lire cette inscription en lettres dorées à l'arrière de sa poussette: "Au Planteur de Caïffa". La roue folle sous le timon a un léger voile. Les deux autres touchent le patin de frein chaque fois que le garçon amorce un virage ou force un peu sur la barre de poussée pour s'extraire d'un nid-de-poule. Il va de ferme en ferme, de grange en grange, suivant la route sinueuse qui parfois, traverse un hameau isolé, une foire aux bestiaux.
Il a peut-être l'âge de son chien. Des yeux d'épagneul, un air cabot. Il porte un tablier bavette, une casquette plate et une sacoche d'épicier en cuir fauve qui lui sangle le bas du ventre. On l'entend haranguer son traineau de loin, surtout quand Canaille aide à la traction. Les après-midis d'été, le goudron colle aux bandages; il lui faut rouler sur le bas-côté. L'hiver, la neige crotte les garde-boues et fait souvent miroir avec le chemin disparu. Mais qu'importe le temps s'il n'a pas ses dix francs de recette. Qu'importe les nuages de poussière d'une automobile pétaradante, la voiture à cheval du hongreur qui l'entraine invariablement dans le fossé. Qu'importe le froid et les engelures, la pluie, le soleil qui lui cisaille la nuque, le hurlement des loups, la fatigue, les jets de pierre. Il est le caïffa, un itinérant qui vend avant tout de la bonne humeur et colporte les nouvelles.

Chaque jour, à l'aube, il gagne le dépôt, pèse puis ensache les pochons de café, la chicorée et le chocolat à croquer qu'il stocke dans les tiroirs superposés de sa carriole. Sur le coffre bâché, devant un comptoir, un assortiment de levures et de farines, d'épices, de sardines en boîtes, de sucre ou de lessive bon marché, un éventaire qu'il doit chiner avec des ménagères ridées comme un pied de vigne. Des paysans chafouins et grippe-sous, des enfants gourmands, émerveillés. Un crayon gras sur l'oreille dont il mouille la mine machinalement, il prend commande avec l'air affable de celui qui sait vanter ses trésors. Il pointe un doigt, grimace, fait la toupie, virevolte, ramasse les timbres fidélité et laisse enfin Canaille japper la monnaie, la casquette entre les dents.
Les jours chauds, on lui offre un verre de vin. L'hiver, on l'autorise à dormir dans la paille nez à museau. Alors il chantonne, compte les étoiles, enlace son chien. Libre comme l'air.
Mais ce soir, il neige à pourfendre. Longtemps, dans les semaines à venir, on guettera les aboiements de Canaille...

(extrait texte Jonavin)

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