mardi 7 avril 2020

Rosée brumeuse



Le dimanche soir, je pensais à la douceur d’automne qui colore les paysages. Une saison nouvelle qui s'annonçait comme l'arrivée du printemps.
Depuis une semaine, j’étais revenu au pays, je savourais enfin la tranquillité des lieux.
Je découvrais l’enchantement d’un anjou oublié, mélange de contraste entre douceur et Camargue dont la saison venait de se terminer.
De l’autre côté du fleuve, je voyais le fruit en grappes s’enivrer de miel et de fleurs blanches. Toutes ces pentes accentuées à l’alignement des vignes où la mémoire garde une note fruitée.
D’une nature cachée d’odeurs de coings.
Dans le bruissement du feuillage, ce beau dimanche après midi,  la main d'Aude caressant les baies gorgées de soleil.
 avant d'entendre  « rosée brumeuse «  échappée de sa bouche dont je faisais mine de ne pas comprendre.

<< Laurent, une journée ensoleillée comme celle-ci, combinée à des brumes matinales favorise et accélère le phénomène.
Tu dois bien comprendre pour que le champignon se développe, il faut bien un fort taux d’humidité afin que celui-ci attaque la peau du raisin et nourrit l’eau qu’il contient.
Peu à peu, la baie du raisin diminue en volume mais augmente en taux de sucre.
Imagine sans cesse, la vigne caressée par le vent,  sous l’action conjugué du soleil, la nature se réchauffe doucement.
En Anjou, on appelle ça une « rosée brumeuse ».
Sais-tu au moins, que tu es assis sur une parcelle silicio-schiste ! <<

Pardon!

<< Le schiste est un bon drainage pour les raisins de la vigne.<<

Qu'elle reprenait de son sourire pleine de malice.
Le temps d’apercevoir deux petites bouteilles au fond de son panier, où je m’attendais à la surprise du jour.

<< Goûte-moi ça ?
Connais-tu la différence entre ces 2 appellations.
Toi qui reviens de Camargue, tu dois en savoir des choses.
Tu vois, Laurent, la différence c’est comme le regret et un remord. La nuance est subtile <<

Je restais perplexe à ces allusions, deux verres à pieds qu’elle déballait où je voyais la couleur jaune or couler lentement sur les parois.

<< Respire ce Bonnezeaux !  un vin riche en arômes de fleurs blanches, au nez d’acacia. Avec une bonne persistance de notes miellées dont se détachent rapidement les fruits confits, d’abricots et de coings.
Qu’en penses-tu Lolo ? <<

Comme un peu endormi, ses paroles m’éveillaient avant que je ne plonge dans un graduel de saveurs, d' épices douces.

<< Remarque la texture du gras qui enveloppe le palais. En attaque le Bonnezaux a cette puissance.<<

Pendant que je regardais le paysage, les traits harmonieux d’Aude se confondaient derrière les ailes moulin. C’était une fille de bonne famille, cultivée dont la vie l’avait bercée dans les méandres de l’anjou. C’était une passionnée. Intarissable dans le domaine du vin.
Je l’avais connu au restaurant "La salamandre" dans la capitale angevine pendant mes extras de serveur puis on s’était perdu de vue.
Lors de la fête des saveurs à Savennières, je l'avais vite aperçu,  m'approchant doucement. Confuse,
(Après quelques conquêtes arlésiennes dans la région la plus sauvage de France, j'avais gagné en assurance, plus sûr de moi)
Voyant ses joues rougir, étonnée de me revoir comme une trajectoire surprenante où les aléas nous rapprochaient à la confluence de la Loire.
Ces trucs inexplicables, où la vie est magique. Aude soulevant son verre, au milieu des vignes, son poignet fin berçant le vin blanc ambré. Je retrouvais les profondeurs d'antan. Ces instants de fraîcheur, la teinte et l'intensité de cette robe.
Son quart de chaume tirant plus sur la finesse.
M’expliquant de manière solennelle que le minéral diffère dû au terroir du nord.

<< Sais-tu Laurent ? Qu’il y a en dessous du quartz, du schiste et de l’ardoise. Cette mosaïque est propice au drainage de la vigne parce que les racines puisent dans les strates de la roche.
Par effet de capillarité, la vigne se nourrit en continue.
Comme tu peux le constater, la matière est puissante en bouche, sans lourdeur.
Elégance et pureté. Dans ta main, tu as un cœur avec une tendresse opulente.
Un équilibre entre moelleux et acidité.
Tu vois, Laurent, le chenin a la particularité d’apporter cette fraîcheur alliant le sucre des grains botrytisés qui donne cette sensation d’équilibre. En final, tu ressens une saveur de miel d’acacia dominante qui se dépose sur le bout de ta langue avec un effet crescendo. Une sorte de mouvement, où tu bascules dans une douceur discrète.<<

Quand elle s’allongea sur l’herbe…Je réfléchissais à la nuance entre remord et regret.

4 commentaires:

  1. Coucou. En quelques sortes, tu buvais ses paroles...mais finalement, qu'as-tu trouvé comme conclusion à la fameuse comparaison entre remord et regret? :-)

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  2. Pour parler de conclusion entre remord et regret, c'est dommage que tu habites loin ma chère Dédé cela aurait été un bel échange de pensées, d'opinions devant l'embarcadère de Baveno autour d'une tasse de café.

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    1. Je pense que j'habite plus près de Baveno que de chez toi. 😊

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    2. Je dois être à peu près 900 km.
      Une femme qui serait prête à poser sa tête au creux de mon épaule, je crois que ça me donnerait envie de faire le voyage ;)

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