dimanche 30 mai 2021

L'aube aux trousses

 





Avec l'aube à tes trousses, la silhouette s'estompe. Comme autant de gommages que le temps efface.
D'abord sur une colère sanguine. Pour mettre du rouge aux joues et dépeindre ton embarras, là, sur ce trottoir où le sublimé a rejoint le vulgaire. Mais dans l'immobilité des choses, reprendre des couleurs te semble superflu. Pas la moindre touche ce soir, sinon le sang d'un gloss épais. Tu te mords les lèvres. Sous un néon, tu fardes les paupières d'une nuit démaquillée. Certaine qu'elle ne peut traîner son dernier quart-d 'heure sur de simples talons aiguilles.
Ton vanity n'est qu'une salle de bain d'hôtel. Tu remets donc un peu de noir à tes yeux. Comme un deuil, capable d'édenter la bouche folle des regards.
Prendre un tub aux aquarelles. Quand la défaillance des petits carreaux raccommode tout ce qui coule. Quand le miroir te renvoie à la rue. Vieux tableau, as-tu besoin de masquer tes doutes? De fondre en larmes par ces eaux fortes qui, sous l'ombre des cernes bleutées, tirent encore un trait sur ton passé? Effacés, la grisaille et le rimmel sur l'oreiller. Tout ça n'est que poudre aux yeux. Cette vie à coup de bâton ne t'a pas vernie, certes, mais il fallait bien te défendre bec et ongles! Même si aujourd'hui, tu as le crayon facile, paraître moins belle ne maquille pas chez toi, d'autres vérités. Ce n'est sans doute pas la crème dans la beauté fragile des sentiments; ni la houppe de tes cheveux en désordre qui feront de toi un modèle. Mais qu'importe! Pour retenir tes amants, il te reste un peu de khôl. Un sursaut de dégoût pour ces maroufles qui te jugent pot de peinture et te méprisent dans le pinceau de leurs fards. Tu voulais vivre une vie d'artiste sur la toile. Avec une palette riche pour étaler la lumière de tes jolis yeux. L'amour en trompe-l'œil en a décidé autrement.
Même si hier je te préférais nature, celle-ci semble morte à présent. Tu prends la pause que le temps achève d'égarer. Une corbeille, quelques fruits. Une robe légère qui tournoie dans la fraîcheur de tes vingt ans. Et au pastel de tes doigts, reste un fond de teint où la mascarade vient brosser un portrait peu flatteur. Quand le matin qui veloute encore un peu de nuit, donne à tes pas la grâce d'une vie éternelle...

(texte Jonavin)

lundi 3 mai 2021

Candy box

 




Dans l’étoupe des trottoirs, mes cheveux filasse essuient quelques rires visqueux. Effluent urbain charriant ses peurs usées. La foule passe. Indifférente.
Lentement, je remonte la route d’Aubuisson. Des murs cachou et mangés de rouille ont déjà grignoté le feu de l’aube. Comme atomisés par des essences de menthe anglaise, ils abandonnent leurs écorchures à des dragées de plomb.

Après avoir emprunté le boulevard, au sortir d’un immeuble en chantier, je souffle un peu.
Le ciel est à l’orage. Juste en face, un rouleau compresseur des travaux publics étale sa poudre d’Antésite. Aux commandes, Négus, hilare me jette un sourire de fer–blanc. Celui-là comme moi, semble s’amuser des sucettes parapluies de certains badauds. Soudain il explose de rire, Blackoïds Brown expectorant un noir d’ivoire à sa veste jaune acidulé. Son rire goudronneux me fait du bien.

Quartier Saint-Aubin, je me souviens avoir longé sur une centaine de mètres, la rue de la Colombette, aspirant le Hall aux Grains avec des Coco Boer achetés la veille au Paradis Gourmand.



Ce matin, étrangement, la Garonne s’est endormie dans un sirop de badiane. D’ici, je peux respirer ses liqueurs anisées tandis que je m’attarde devant la vitrine éclairée d’une épicière en blouse de vichy. Pensif, je me demande s’il lui reste des Magistra  Florent, quelques grises au goût amer ou encore des bergamotes rafraîchissantes d’avant-guerre. Sans doute pas.

Mais le gling, de sa porte qu’on ouvre, me rappelle, enfant, l’étalage des bocaux et la vente des bonbons au détail. C’est plein d’amertume que je m’éloigne de la boutique.
Dès la première rafale, j’entends l’appel du large. Dans le coquillage des roudoudous et leur voile de cellophane où tempêtent des caramels au beurre salé. Dans les cordages de sucre candi aux mâts de Twisty Pop frottés à la brique du centre-ville. Je presse le pas. Pour fuir cette foule de guimauve, encapuchonnée de berlingots tristes. Il pleut maintenant à grosses gouttes. Je ramasse les flaques sous mes semelles, ravi de mettre un soleil en boîte.

Je tâtonne mon gousset afin de m’assurer que le mien est toujours là. Il fut un temps pas si lointain où Bout de Zan mâchouillait aussi sa réglisse sur le bitume. J’y pense parfois comme ces grains de café au parfum de violette. A ces bâtons, en place d’une vieille palissade où le bois est mordillé du bout des lèvres.  Je garde en mémoire les pastillages parfumés d’Uzès. Ils jaunissaient les dents, effaçant d’un trait de gomme l’enclume du cœur et donnaient à la rue, une humeur joyeuse. Je n’ai pas trouvé les Bienfaits de Lajeunie rue d’Aubuisson. Ni les cachous goût blond, avenue de Larrieu.
Qu’importe, ce soir je prends le train pour Flavigny.
Je me retourne, le visage ruisselant. Au loin, Négus a déjà fondu avec un petit signe de la main…

(texte Jonavin)

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