lundi 24 novembre 2025

Le jardin mauresque de la ville d'hiver





 Je suis debout sur un banc, pieds nus, les mains dans le dos.

Dans le jardin du casino Mauresque où le théâtre de verdure San Carlito donne un spectacle de marionnettes. A titre princier, les places d’honneur sont toujours réservées aux enfants fortunés des villas chics du parc. L’une d’elles, mademoiselle Charlotte, assise dans un fauteuil en osier blanc chaise, crache des mouchoirs de sang de ses fines mains gantées. Vêtue d’un corsage violine recouvert de tulle, brodé de sequins groseille et d’une cravate en frou-frou de chez Circa qui tranche avec la pâleur du visage émacié. Il n’y a que des gouvernantes pour mener les enfants au guignol, mais vous my God, vous avez la chance de votre mère. Tout à l’heure, madame Dubos de la laiterie du bocage viendra livrer, en carriole, ses bidons de lait de vache vaccinée. Sur avis médical, Charlotte ingurgitera son grand bol de crème, couplé à une eau de pin. Alors je la regarderai boire, fasciné attendant avec gourmandise, ce moment précieux où elle offrira son cou au breuvage encore fumant. Voire, entre deux quintes de toux, un sourire à la petite main qui, tous les matins, lui démêle son chignon dans l’un des salons de la villa - louée au mois, à l’angle de l’allée Velpeau.
Mais si son état, déjà pitoyable, continue d’empirer, elle partira bientôt, à l’aérium de la fondation Wallerstein d’Arès...
Il me suffit de fermer les yeux pour me remémorer avec certitude les allées en rondeur, le kiosque à musique, Place des Palmiers et les magnolias fleuris comme d’un jardin anglais. D' ailleurs je n’ai jamais autant appris sur le cricket, la Jelly ou les maisons Tudor que pendant ces longues semaines où je me suis instruit des raffinements de son éducation. Depuis la chambre des domestiques, sous les combles où je l’écoute dormir. Cette fois ci, demandera t-elle aux sœurs de la Sainte Agonie si Dieu et l’automne l’autoriseront demain, à porter une jolie robe de promenade? Ou du belvédère, me lira t-elle encore un passage de Wuthering Heights, ce livre étrange qui ne la quitte plus des mains depuis quelques jours?
Comme d' habitude, elle viendra prendre avant midi, un bain d’air saturé de sel. Devant le bow-window sans doute. Là où la ville d’hiver, mêlée d’effluves odorants et de senteurs balsamiques, gemme des soleils revigorants. Un bienfait pour les curistes de la Grande Dune dont le lazaret à ciel ouvert n’est qu’un écrin de forêt maritime.
Un sanatorium qui panse la phtisie des futurs héritiers comme elle aime plaisanter. Pleine de malice, je l’entendrai dire aussitôt: Sorry, mais avec votre permission Léontine, une voiture viendra nous chercher au pavillon Impérial dès quatorze heures.
D’une simple pichenette, elle réajuste sa capeline en tarlatane rose thé dont le ruban en gros grain assorti décolore un œillet qui lui tombe sur l’œil droit. Tilt hat, comme on le ferait d’un bibi que l’on défroisse, me soufflera t-elle de son accent délicieux. Mais sous une fièvre qui suture les peaux usées. Et devant son précepteur, qui alors froncera les sourcils.
Tout en suivant l’omnibus, nous prendrons la route du Moulleau.
Sur la plage, une course au tramway nous conduira directement jusqu' au phare. Je fouille mes poches. Un aller-retour en tillole coûte cinq francs pour un à quatre voyageur. Pas grave, nous pourrons donc, emporter deux fois le poids de nos rêves. A la terrasse de la lanterne, nous regarderons le monde tourner comme un cerf-volant. Puis soudain, le rouge lui monterait au front par le fracas des brisants. Et peut-être même, qu’elle y jetterait son mal de poitrine. Pour les hauts de Hurlevent d' abord, qu’elle serre bien fort contre son cœur. Là-haut, préférerait-elle me parler de son père officier de la Navy, admiral of the fleet, des obsèques du roi Edouard VII ou du pur-sang qu’il lui a promis, black home?
Quelle importance !
Je sautille sur mon banc. Comment lui cacher ici, mes voyages d'illusion, des croisés de l' Alcazar à l' Alhambra de Grenade, en passant par le funiculaire du casino - affublé d'une pèlerine trouée et de vieilles galoches hors d' usage, dénichées dans une boutique d' un prêteur sur gage de la Teste? Des brocantes en tous genres, où j’ai marchandé mes sacs de billes et quelques numéros du Dimanche Illustré pour économiser les cent sous nécessaires à ma bourse? De la station balnéaire, défilent à dos d’âne les dandys de Londres, les ducs de Russie et tous les aristocrates d’Europe dont les cartes nuages rejoindront bientôt le bout du monde. Les mêmes qui s’envolent depuis notre phare,
Mademoiselle Charlotte.

Une dernière représentation de Guignol, quelques chaises longues, un crachoir de poche.
Et déjà, je fais tinter l’or de ma bourse...

(texte Jonavin)

dimanche 16 novembre 2025

Spritz

 


Vous avez dit Spritz! 

Directement dans le verre,
Lit de glaçons
4cl d'eau gazeuse (Perrier ou Salvetat ou San pellegrino)
4cl de campari
7cl de prosecco
garnir avec 1 rondelle d'orange


Après la projection de Play Time de Jacques Tati, le groupe se dirigeait "Au Bureau".
En entrant dans les lieux, je sentais de bonnes vibrations.
Pour faire comme tout le monde, j'avais choisi aussi le Spritz.
J'aurai préféré un vouvray sec pour retrouver ce goût de terroir.
Cette minéralité se terminant par des arômes de miel.
Le chenin blanc offre cette complexité qui rappelle la fraîcheur des tuffeaux.
Mais ce verre servi en forme simple Duralex, me surprenait.
Cette couleur orange me transportait à Venise dans les tons feutrés du pub.
Je pensais à celle que j'aimais et le silence des jours me rapprochait du rêve.
La distance émotionnelle se mêlait aux fragrances d'oranges amères.
Etre feu à l'intérieur et glace à l'extérieur pour susciter une forme de calme pour ne rien laisser apparaître dans les jours brumeux d'automne.







jeudi 6 novembre 2025

La source Sainte Catherine

 D'abord, il y a cette clarté. Les maisons à pans de bois où le lierre descend sur les briques rouges.

Sur la petite place, un ciel printanier réveille doucement l’étuve du marché à fleurs.
Là, où les étals suant les toiles parasols détrempent le jaunet avec les bâches que reflètent les ombres sur le mica des tables bistrots.
Marie boit son dernier espresso.
Aujourd'hui, sous les halles, une agréable odeur de cidre parfume les robes à fleurs que caressent furtivement les premiers passants.
L’air triste, Marie suit et regarde un bouquet de jonquilles rond comme un bouquet champêtre, un plein soleil qui ne ressemble plus aux tournesols.
Peut-être, une averse de nuit. Détrempée de solitude.
Sans tige, quand les pensées ne sont plus que des boutons de lune.
Que les chalands piétinent.
A la terrasse, elle s’est levée pour oublier l’odeur du blé vert encore habité par les vents.
Ce jeudi, à l’arrêt d’autocar, la bise donne un léger flottement d’élégance à sa posture malgré sa robe jaune pâle. Celle qu'on teintait autrefois avec des pelures d’oignons.
La couleur pauvre qui habille les paysannes avant qu'elles partent pour la ville.
Hier, elle a jeté son épingle à cheveux dans la petite fontaine. La tradition promet un mari dans l’année, si pièce ou épingle tombe dans la source.
Il y a deux ans, une lettre a torpillé son cœur. Un fiancé perdu dans la guerre d’Algérie s’il n’avait pas rencontré Mathilde.
Ce matin, la rêveuse embrasserait les ombres à tue-tête.
Marie est ce merveilleux bout de femme qui ressemble à l’Eure avec ses brumes matinales. Juste le soleil quand il pleut, dans la rosée tendre où la lumière passe à travers les hêtres.
La veille, à la petite source, Marie a trempé ses doigts dans l’ambre gris laissant le bouquet s'éparpiller dans l'eau vive pour croire aux variations saisonnières.
A Lyons la forêt, les tables bistrots n’attendent que les amoureux.
Soucieuse, se souvient- elle des jeux de paume? Les serments des lignes de la main qui caressait ses cheveux à l’heure du midi? 
Ce regard prometteur, monts et merveilles quand les belles paroles enchantent et percent la raison?
Au loin,
Elle aperçoit l'autocar...

mardi 21 octobre 2025

Dernière lueur

                                      




                                    Dernière lueur sur les planches en bois d'azobé

De ce vent iodé, je quitte l'humeur marine où j'ai libéré ta silhouette aux alentours
Etrangement, les lampadaires éclairent à peine le sol sous l'ombre jersey des villas normandes
Devant les boutiques
Je marche tranquillement
Tant les vitres miroitées font l'enseigne des lettres lumineuses
Souffle la bise, d'un monde transparent
Le temps
Le silence
Ce bruissement à travers les alvéoles 
Se reflètent les gouttes de pluie sur la baie
Comme l'accroche-cœur pour dégrafer au fond, les senteurs marines
Mais avant, un peu d'irrévérence
Sous la ville endormie, dans la fumée du rêve
Je ne peux m'empêcher d'imaginer, les pensées qui éclaboussent quelques lumières douces pour se baigner dans la fantaisie de tes vagues

lundi 13 octobre 2025

Une truite meunière

Si vous avez prévu une truite meunière poêlée avec des amandes effilées bien brûlées, 
N'oubliez pas Le Corbières blanc!
C'est un vin qui développe une palette aromatique oubliée de fruits à chair blanche, de fruits secs et de fruits exotiques. La délicatesse d'un bois bien fondu que j'avais goûté dans la séduction des beaux jours. Du gras, des notes vanillées perdues dans les gestes rotatifs de mon poignet.
En la regardant,
J'avais frôlé l'élégance, 
De sa bouche à ma bouche, la perception aromatique intense resterait agréable.

lundi 8 septembre 2025

La Paimpolaise

 Depuis la côte de granit rose, le vent rase la lande.

En ce dimanche, les rochers vêtus d'embruns embaument le sentier douanier.
Même si dans les pensées,
La paimpolaise réveille des linceuls de parfum.
C’est bien connu, la vie ne s’attarde ni hier ni aujourd'hui.
Mais en arrière, dans le hasard comment peut-on oublier des visages, c’est comme la providence refoulée.
Sur la jetée de Ploumanach, Gaëlle peut l'entendre, le suivre...
A marée haute, partout les ajoncs et l'agrostis, battue par la houle remonte le premier émoi. 
En face,
"Les 7 îles " là, où les oiseaux arrachent désormais un morceau du ciel comme une grande voile pour écraser ces années de doute.
Peuvent-elles encore gifler la dormeuse enflammée?
Les yeux rêveurs, Gaëlle attise le feu de l’aube comme pour saborder encore un ciel imbibé d’éclats violacés. 
Ce phare de granit, de roches tendres dont la flamme couleur miel éclaire des portions de nuit où d’emblée l’aréole soulève des linceuls d’embaumeur.
De ce visage hermétique, elle ne peut promettre la lune.
Sinon l’abandonner dans une pénombre recueillie. Là où règne un désir d’expiation.
Cette lueur la protège des laideurs korriganes que sont l’ennui et la résignation. Qu’elle cueille en ronds de sorcières, chaque dimanche au fond du jardin, 
Aujourd'hui, elle n'ira pas déjeuner chez ses parents.
D’ici, elle peut humer le vent comme un animal, le suivre à sa trace…
Blottie entre les rochers, les cheveux dénoués au milieu des fleurs sauvages.
L’eau gerbe une écume douceâtre, où la vie mordue par le ressac enrobe son silence.
Voilà donc ces fleurs bleuir l'océan. Le cœur qui pardonne?
La dormeuse s'enroule d'un bouquet de bruyère.
Sous un nœud, les sentiments écorchent le poing serré.
Elle le sent rougi, repu de vide, grignoté par les crevasses sous un châle encore transpirant.
Le hoquet lui monte à la gorge mais elle refuse les larmes.
Gaëlle fixe l'horizon. Le temps cogné sur les rochers. La mer semble figée.
D'avis, elle sourit que le phare n'aime pas éclairer les souvenirs d'une drôle de gangue...

dimanche 10 août 2025

Fattouche




C'est une entrée que j'aime quand il fait chaud, je ne sais plus si c'est à Beyrouth, en France où j'ai dégusté cette salade la première fois.

J'adore vraiment le croquant des pignons de pin, d'accommoder ces petits morceaux de pain en forme de galette, légèrement dorés à la poêle qu'on rajoute juste avant de servir.

Ces tomates, concombre, radis finement coupés ainsi que la laitue ciselée, persil  beaucoup de persil, citron, épice sumac 

Tous ces ingrédients comme la menthe apporte la fraîcheur méditerranéenne en bouche.
Comme disent les Libanais, "Qui n'a pas goûté le fattouche, n'a pas goûté le Liban"
Un bon Tavel frais pour démarrer la soirée afin de chauffer le palais.





Il ne manquerait plus des aiguillettes de poulet grillé mariné citron - menthe façon libanaise.  
Pourquoi pas en apéro du caviar d'aubergines, houmous.
Tremper la galette dans les coupelles en regardant sa bien aimée.
Je trouve l'interlude sensuel dans le silence des yeux.
Et pour finir en beauté la pâtisserie libanaise avec ses cheveux d'ange parfumés, le feuilleté à la pistache
, noix de cajou, pignon et amande qu'on nomme "Baklawa", 
A suivre les loukoum à la rose, à la pistache.
La fleur d'oranger que l'on devine subtilement dans les gâteaux de semoule, miel et amandes, le tout servi avec un thé à la menthe. Là, ça serait le bouquet.
Mais n'avais je pas oublié la glace à l'orchidée.
Par dessus un café turc. Histoire de ne pas s'endormir, 
La cuisine libanaise rien que d'en parler me donne des idées...


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