D'abord, il y a cette clarté. Les maisons à pans de bois où le lierre descend sur les briques rouges.
Sur la petite place, un ciel printanier réveille doucement l’étuve du marché à fleurs.
Là, où les étals suant les toiles parasols détrempent le jaunet avec les bâches que reflètent les ombres sur le mica des tables bistrots.
Marie boit son dernier espresso.
Aujourd'hui, sous les halles, une agréable odeur de cidre parfume les robes à fleurs que caressent furtivement les premiers passants.
L’air triste, Marie suit et regarde un bouquet de jonquilles rond comme un bouquet champêtre, un plein soleil qui ne ressemble plus aux tournesols.
Peut-être, une averse de nuit. Détrempée de solitude.
Sans tige, quand les pensées ne sont plus que des boutons de lune.
Que les chalands piétinent.
A la terrasse, elle s’est levée pour oublier l’odeur du blé vert encore habité par les vents.
Ce jeudi, à l’arrêt d’autocar, la bise donne un léger flottement d’élégance à sa posture malgré sa robe jaune pâle. Celle qu'on teintait autrefois avec des pelures d’oignons.
La couleur pauvre qui habille les paysannes avant qu'elles partent pour la ville.
Hier, elle a jeté son épingle à cheveux dans la petite fontaine. La tradition promet un mari dans l’année, si pièce ou épingle tombe dans la source.
Il y a deux ans, une lettre a torpillé son cœur. Un fiancé perdu dans la guerre d’Algérie s’il n’avait pas rencontré Mathilde.
Ce matin, la rêveuse embrasserait les ombres à tue-tête.
Marie est ce merveilleux bout de femme qui ressemble à l’Eure avec ses brumes matinales. Juste le soleil quand il pleut, dans la rosée tendre où la lumière passe à travers les hêtres.
La veille, à la petite source, Marie a trempé ses doigts dans l’ambre gris laissant le bouquet s'éparpiller dans l'eau vive pour croire aux variations saisonnières.
A Lyons la forêt, les tables bistrots n’attendent que les amoureux.
Soucieuse, se souvient- elle des jeux de paume? Les serments des lignes de la main qui caressait ses cheveux à l’heure du midi?
Ce regard prometteur, monts et merveilles quand les belles paroles enchantent et percent la raison?
Au loin,
Elle aperçoit l'autocar...