vendredi 24 janvier 2025

Ce héros



Je m’étais confortablement installé comme les spectateurs dans le fauteuil.

Emporté dans le style des années 30 par ces belles femmes longilignes.
Cambrées dans leurs robes courtes.
Volutes de fumée où le porte cigarette porté à la bouche reste sensuel jusqu'au bout des doigts. La coupe garçonne dont le collier de perles fait briller la luisance de la peau.
N'attendant plus que dans la prunelle, l'instant tango qui les enflammerait dans le cabaret enfumé de Buenos Aires.
L'aviateur n'allait pas tarder à décoller....
Ce zinc qui allait s’échouer dans la Cordillère des Andes. 
Le vent et la pluie cognant sur la fenêtre. Comme pour annoncer,
Les pétarades de L’engin… Le clair-obscur. Vertige dans les déferlantes...Pour se dire que c’était un peu sorcier de prendre l’avion à cette époque et qu’il  fallait vraiment être courageux pour conduire ses drôles de zinc de l’aéropostale.
Et l’homme, pas si malin que ça.
Malgré la chance d'être en vie. S’extrayant de la carlingue en se refugiant sous le Potez renversé, emmailloté dans son parachute après deux jours de tempête de neige.
Esseulé dans l'immensité puis au 3eme jour du matin, le calme plat regardant à perdre de vue les grandes étendues de blanc. Décidant d'inscrire sur la carlingue "N'ayant pas été repéré, je pars vers l'est. Adieu à tous, ma dernière pensée sera pour ma femme."
 (J'me disais bonhomme, je ne voudrais pas être à ta place)
Mais de voir ce héros partir à la conquête de l’inconnu, bagage à la main, dans son costume tweed. Prêt à franchir les limites de la conscience. Quand même, il n’y a que le sens de l’instinct qui pousse l'homme dans ses retranchements.
Moi qui n’avais jamais lu en entier  « Terre des hommes » ou juste quelques bribes dans une classe primaire. Me rappelait ces héros oubliés qui resurgissaient.

Dans une nature hostile, en plein blizzard,
Le voyant s’agenouiller dans la neige, se relever d’épuisement. En soliloquant  le nom de sa femme " Noëlle" pour qu'elle puisse toucher l’assurance-vie, 
Continuant dans la neige, se remémorant dans le froid atroce que la prime d’assurance ne peut être touchée. Que si le corps est retrouvé.
Se roulant dans la neige, les gelures au corps où dans ces conditions, le temps paraît une éternité.
Les doigts esquintés, escaladant les parois rocheuses pour encore franchir trois cols, 
Au prix de la vie suprême, exténué de force. 
Finalement retrouvé par un jeune berger et sa mère. (je crois même que le plus courageux des homo ergaster n’aurait pas fait mieux).
Cinq jours d’un combat avec le mental, l’animalité et l'image de la mort.
Il y a  tout ce sens, que j’appellerai  ici « folie » et tout ce qu'on peut faire par amour.
Quand il tombera dans les bras de son ami Antoine de Saint-Exupéry,
Il ne pourra s'empêcher de dire...
« Ce que j’ai fait, je te le jure, aucune bête ne l’aurait fait »

2 commentaires:

  1. Tu m'apprends l'existence des homo ergaster, que je ne connaissais pas. Ainsi que la marque Potez, qui a défié le temps, apparemment, puisqu'elle existe toujours.
    C'est une mine de venir chez toi...
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah l'homo ergaster, en quittant l'Afrique un aventurier à la conquête des autres continents.

      Supprimer

Membres