dimanche 29 décembre 2019

vendredi 6 décembre 2019

Ma plus belle nuit d'amour











C'était les bords de Seine,
J'm'en souviens très bien.
J'étais parti de bon matin, un dimanche d'avril avec une assistante commerciale.
Son visage m'avait d'emblée séduit.
Après Pontoise, La campagne était verdoyante,
Qu'ils étaient beaux ces villages en pierres du Vexin.
Surtout la campagne vallonnée avec ces shetland paisibles dans les prairies.
De la voir se pencher cueillir l'herbe. La posture me semblait belle, naturelle, figée comme une femme d'une autre époque.
Whoua !  quelle idée géniale, j'avais eu.
J'avais choisi en décor de fond le château de la Roche Guyon et le guide du routard me porterait chance pour l'escapade amoureuse.
Depuis ma chambre d'habitant,  la veille,  je pouvais suivre de long en large le panorama de la route des crêtes. De mon lit, je voyais déjà la Seine.
Éclairé avec soin, les menus  " Logis de France " puis comme un avant-goût, les marches du château à travers la roche calcaire pour accéder enfin au donjon. Endroit panoramique sur les méandres du fleuve à 360° pour commémorer la romance.
Une journée inoubliable où je jubilais ma perspective amoureuse sur les bords de Seine illuminés.
Quand la soirée serait fraîche après les agapes, il suffirait de coller mon corps auprès de cette inconnue. Ma dernière nuit en tête à tête, La lune ronde éblouissant mes pensées divinatoires ne la quittant plus dont l'atmosphère de ma chambre m'envahissait comme l'impression d'être pour une seule fois, le gardien de ses rêves.
Si le bonheur ou les choses mystérieuses commencent toujours par une histoire en mouvement. D'instinct j'étais tombé à pic.
Le lendemain,  je découvrais la route des crêtes et la petite place du village.
Qu'il était imposant ce château adossé à la roche crayeuse,
Les parquets, les toiles murales en tissu, ces grandes fenêtres,
Ces tableaux , ces visages de la famille de La Rochefoucault dont je n'avais que faire.
Ce silence, cette odeur ancienne
Malicieusement, j'attendais l'accès des marches pour franchir tous les paliers du bonheur.
Du haut du donjon, je dominais la Seine, encore quelques heures, mes mains n'allaient pas tarder à effleurer ces hanches menues. Quand une femme vous regarde droit dans les yeux ! Il faut rester concentré sur les choses à venir.
Et le menu, je l'avais étudié,
Martini rosso dans les verres long drink pour frapper la notion de plaisir dans le cadre sympathique du restaurant ;
Fasciné par sa voix douce, je ne réalisais pas,
Hélas vite apostrophé par le maître d'hôtel qui m'avait vite réveillé pour énoncer le
- Foie gras et ces toasts, fleur de sel de Guérande, petite sauce verte melon pour madame.
- Pour suivre, sole meunière accompagné de petits légumes vapeur.
Et devant lui, encore perdu dans les nuages.
- J'avais choisi des moules marinières
- Un filet de boeuf, frites
Comme l'impression de ne pas avoir fait le bon choix où les mets de poissons étaient réputés nobles.
La sentence n'allait pas tarder, le seul au milieu du restaurant avec la grosse marmite noire posée sur la table. Sentant le regard des clients se posaient sur moi. Avais-je fait une bêtise?
De plus, c'était des grosses moules et je voyais Ambre se délectait de son foie gras avec sa sauce melon verte dessinée sur l'assiette, la pointe de son couteau nappant quelques cristaux fleur de sel sur le toast.
Et moi, me bagarrant à la cuiller pour chercher des lamelles d'oignon au fond de la marmite.
De plus, ça commençait à me gargouiller,
J'me disais :
Qu'est-ce qui m'était passé par la tête?
Heureusement, le Pouilly fumé était frais, minéral comme je l'aimais pour laisser accueillir la belle sole appétissante dans son beurre noisette citronnée bien persillée destinée à ma dulcinée.
D'un geste délicat, la voyant décoller méticuleusement le filet du poisson avec le dos de la fourchette pendant que je mastiquais un morceau de viande que je n'arrivais pas à déglutir.
Mon visage blême, en hochant constamment la tête sans prononcer un mot face à ses questions avant de saisir la serviette blanche en tissus pour dissimuler cette boule de viande qui me dégoûtait.
De plus, mes mains sentaient l'odeur des moules avec ce rince doigts qui puait le liquide vaisselle me donnait des nausées.
Je n'étais pas à l'aise.
Sans doute devait elle se dire ce mec est bizarre?
Bien silencieux , maladroit, peut être timide.
J'attendais impatiemment le dessert.
- Le café gourmand arrivait pour Madame,
Je revois encore ces petites mains piocher délicatement les mignardises. La gestuelle féminine, gracieuse qui émerveille pour réveiller le cœur des hommes.
Avant de prendre le frais, j'avais choisi la sonate de printemps. Histoire de mettre ma bouche en préparation exquise. Les sorbets aux fruits qui arrivaient à point pour m'enlever ce goût d'oignon.
Le temps de régler l'addition au bar, ma main posée sur mon ventre,
J'étais monté illico pour prendre les premières toilettes. Un mal à me tordre où je voyais le papier de toilette diminuer à peau de chagrin.
Et le temps qui semblait long.
Enfin soulagé, je sortais, l'air penaud.
Ne la voyant plus dans le vestibule du restaurant.
Sur le parking. Collée à la voiture,
Elle m'attendait tristement.
Pas de doute, je lui avais fait de l'effet...

mercredi 4 décembre 2019

Le train de mes mains

J'ai pris le train de mes mains. Quand la nuit déraille, elles m'accompagnent sans crier gare.Sais-tu que les mains sont les traverses qui mènent aux adieux? D'un train qui ne revient jamais, elles emportent, infidèles, les coups de butoir.
Celui-là connaît son départ. L'étroit vallon d'une joue rebondie,- l'arrête d'un nez, toutes ces montagnes qui font les pommettes saillantes et les ponts du regard, infranchissables. Dans un wagon-lit aux doigts de rose, mes ongles te démaquillent. Comme une empreinte délicate, un voyage immobile ou je m'accroche désespérément. Convoi détourné, il a passé les roches sourcilleuses. La fonte du rimmel. Un temps chagrin et boudeur sur ton visage à peine endormi. Personne n'est venu m'attendre sur le quai. J'ai regardé mourir le halo des abats-jour.Un ciel plafonné, comptant les heures, en vain...
Ce train-là n'arrivera jamais à destination.Trop de courbes et de dénivelé dans la monotonie passagère.Trop d'incertitudes sous l'éclair noir des paupières.Une jonque s'éloigne à chaque battement de cils. C'est un voilier aux lattes cousues,  un store de bambou où plus rien ne filtre. Pas même la mousson quand j'apprenais là-bas à deviner tes ombres chinoises.Le train s'y attarde mais sans la folie d'autrefois. Paysage choisi ,il manque désormais la magie du premier regard. Les arcades feintes au crayon et surplombant les yeux, la ligne d'un long tunnel incurvé.
A travers la vitre, passaient là des mascaras aux reflets moirés. Des lueurs malicieuses dans la prunelle gris-bleu de l'aube. Sous le fard ,des soleils enfumés d'eau et de cendre. Ce matin,  rien. Juste un froid qui balaie l'oreiller. Je n'ai que moi à vivre. Dans des haltes d'haleine, une solitude cahotante, un compartiment réservé. Fini les manches pagodes où j'allais rejoindre un coin d'épaule .L'express à bout de bras .Et pomme ouverte, l'aiguillage à trois voies autour de tes maigres poignets ronds.
C'était le temps où nos mains se croisaient.Celui des fourgons de tête quand les valises sous les yeux, nous partions sans bagages. Celui des soleils à points fermés. De cette vie voyageuse, il reste une voiture couchette.
Mes mains en train...

(texte Jonavin)

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