mardi 29 mars 2022

Rosée brumeuse






Le dimanche soir, je pensais à la douceur d'automne dont les formes colorent et pimentent les paysages.

Depuis une semaine, j’étais revenu au pays,

Je savourais la tranquillité des lieux comme l’enchantement d’un anjou oublié, une sorte de contraste entre douceur et la Camargue sauvage dont ma saison de serveur venait de se terminer.
De l’autre côté du fleuve, je voyais le fruit en grappes s’enivrer de miel et de fleurs blanches à travers l'alignement des vignes où la mémoire garde le fruité d'une nature cachée de coings.
Quelques heures auparavant, dans le bruissement du feuillage, 
la main d'Aude caressant les baies gorgées de soleil dans l'embellissement d'un dimanche éclairci de tendresse soufflant un instant de passion
 avant d'entendre le mot « rosée brumeuse « échappée de sa bouche par ce bel après midi d'automne dont je faisais mine de ne pas comprendre.

<< Laurent, une journée ensoleillée comme celle-ci, combinée à des brumes matinales favorise et accélère le phénomène.
Tu dois bien comprendre pour que le champignon se développe, il faut un fort taux d’humidité afin que celui-ci attaque la peau du raisin et nourrit l’eau qu’il contient.
Peu à peu, la baie du raisin diminue en volume mais augmente en taux de sucre.
Imagine sans cesse, la vigne caressée par le vent,  sous l’action conjugué du soleil, la nature se réchauffe doucement.
En Anjou, on appelle ça une « rosée brumeuse ».
Sais-tu au moins, que tu es assis sur une parcelle silicio-schiste ! <<

Pardon!

<< Le schiste est un bon drainage pour les raisins de la vigne.<<

Qu'elle reprenait d'un sourire malicieux
Le temps d’apercevoir deux petites bouteilles au fond de son panier en osier où je m’attendais à la surprise du jour.

<< Goûte-moi ça ?
Connais-tu la différence entre ces 2 appellations.
Toi qui reviens de Camargue, tu dois en savoir des choses.
Tu vois, Laurent, la différence c’est comme le regret et un remord. La nuance est subtile <<

Je restais perplexe à ces allusions, pendant qu’elle déballait 2 verres au fond de son sac, je voyais la couleur jaune or couler lentement sur les parois.

<< Respire ce Bonnezeaux !  Riche en arômes de fleurs blanches, au nez d’acacia. Hume cette persistance de notes miellée de fruits confits, d’abricots et de coings.
Qu’en penses-tu Lolo ? <<

Comme un peu endormi, ses paroles réveillaient mes sens où je retrouvais ce graduel de saveurs et d'épices douces que j'avais oublié.

<< Remarque la texture du gras qui enveloppe le palais. En attaque le Bonnezaux a cette puissance.<<

Pendant que je regardais le paysage, les traits harmonieux d’Aude se confondaient derrière les ailes du moulin. C’était une fille de bonne famille, cultivée dont la vie l’avait bercée dans les méandres de la rivière Layon. C’était une passionnée. Intarissable dans le domaine du vin.
Je l’avais connu au restaurant "La salamandre" lors de mes extras de serveur puis on s’était perdu de vue.
A la fête des saveurs à Savennières, je l'avais tout de suite reconnu dans ce salon, étonnée, m'approchant doucement. Je la sentais confuse,
(grâce à quelques conquêtes arlésiennes dans la région la plus sauvage de France, j'avais gagné en assurance et je partais en territoire conquis  avec la nette impression qu'avec une femme rien n'est gagné sauf sur la façon d'aborder les choses).
Prononçant son prénom d'une voix suave, 
Voyant ses joues rougir, surprise de me revoir dans ce salon comme une trajectoire surprenante où les circonstances de la vie nous rapprocheraient à la confluence de la Loire.
Ces coïncidences inexplicables, où le moment semble magique. Aude, d'un geste élégant soulevant son verre au milieu des vignes, le vin blanc ambré bercé par son fin poignet dont je retrouvais les profondeurs d'antan accentuées par les instants de fraîcheur, la teinte et l'intensité de cette robe.
Son quart de chaume tirant plus sur la finesse.
M’expliquant de manière solennelle que le minéral diffère dû au terroir du nord.

<< Sais-tu Laurent ? Qu’il y a en dessous du quartz, du schiste et de l’ardoise. Cette mosaïque est propice au drainage de la vigne parce que les racines puisent dans les strates de la roche.
Eh oui, par effet de capillarité, la vigne se nourrit en continue.
Comme tu peux le constater, la matière est puissante en bouche, sans lourdeur.
Elégance et pureté. Dans ta main, tu as un cœur avec une tendresse opulente.
Un équilibre entre moelleux et acidité.
Tu vois, Laurent, le chenin a la particularité d’apporter cette fraîcheur alliant le sucre des grains botrytisés qui donne cette sensation d’équilibre. En final, tu ressens une saveur de miel d’acacia dominante qui se dépose sur le bout de ta langue avec un effet crescendo. Une sorte de mouvement, où tu bascules dans une douceur discrète.<<

Quand elle s’allongea sur l’herbe…Je réfléchissais à la nuance entre remord et regret.

lundi 14 mars 2022

Why did you do it (Stretch)




Quelques heures auparavant, la lune dardait les blés de la Beauce.
Vitres légèrement entrouvertes, j'avais senti la seiche au vent dans le juin solitude à travers les éoliennes.
Je roulais en écoutant le "why did you do it" qui résonnait dans la voiture.
Avant Orléans,
Des nuées de colère avaient noyé un ciel tango reflétant la beauté du diable qui serpentait dans les reflets de la nuit comme des écorces de fruits mûrs dont les dessins m'accompagnaient jusqu'à la traversée du pont de Blois.
Je bifurquais sur la rive droite,
La Loire tranquille, proche de moi, je suivais le cours.
Je n'allais pas tarder à découvrir l'ombre sournoise colportant les courants invisibles.
J'approchais, d'Amboise la Bourgeoise.
Je préférais faire une pause sur la berge de Montlouis comme au beau vieux temps où j'ouvrais le coffre pour boire un café chaud thermos.
Bien qu'il était encore tôt pour la réveiller.
Je pensais que dans la mare aux secrets, la source allait renaître de ses profondeurs.
Comme une affirmation qui frisottait dans les fumées de l'aube.
Je la voyais se débarbouiller le visage, les mains en corolle, telle la première fois...

lundi 7 mars 2022

Sophie aime les belles choses


 

Habillée en robe longue évasée, ballerines beige, la nuque dégagée.

Je l'aperçois au loin.
Sophie aime les petits conseils, je ne vais pas lui gâcher ce plaisir.
Après tout ! Je suis le meilleur vendeur de la boutique.
Aujourd'hui, j'ai envie de plafonner la bourgeoise de Neuilly.
Le petit bouchon ondule devant moi.
Je prépare mon petit matériel de pêche. Je sais que le poisson est coriace.
Nos regards se devinent,
Je m'approche doucement en respirant son parfum.
D'un air hautain,

"Que me conseillez-vous avec un homard breton? Je reçois Belle maman ce soir, il faut que je file ensuite chez le poissonnier !

Je pose les questions d'usage. Histoire de lui fourguer le corton-charlemagne grand cru 2009 à 175 euros.
Le mets est noble. La chair délicate,
Je suggère,
Un côté minéral en attaque de bouche, une matière puissante sans lourdeur.

Laurent, suis pressée.

Attention avec ce chardonnay, en tries sélectifs. On part sur la finesse.
La texture enveloppe le palais avec une belle longueur.
L équilibre est parfait. L'acidité apporte juste la fraîcheur.
A part ça,
Sophie ! Un moelleux avec une sensation de douceur qui s'exprime sur un bouquet de fleurs blanches.
Elégance, une pureté dans la quintessence.
0n pianote sur des notes crescendo.
Avec ce millésime 2009,  Le sens est musical.
En effet.
(je fais exprès de feuilleter le registre des millésimes exceptionnels réservé à nos grands clients).
je la vois qui commence à rougir. Hum! Je déroule tout doucement le moulinet.
Je remonte un peu de fil, comme on ferre une carpe.
Comment être patient sur le fond où la carpe se nourrit.
Comment lutter, passer l'épreuve de la longue attente.
je fixe le flotteur. Le bouchon s' enfonce peu à peu. Je commence à sentir la tourbe.
je me prépare à descendre dans la cave, chercher le Bourgogne blanc de chez Bouchard Père et fils.
Mais la carpe est méfiante. Soudain!
Sur un ton persuasif!

Vous me l'avez déjà proposé la dernière fois. Je m' orienterai plutôt vers un Pouilly-Fuissé. Comme vous me parlez si bien d' opulence. La revue des vins de France en fait aussi l'éloge!

Exact !
Je me dirige vers les références Pouilly-Fuissé.
Là ! j' ai un millésime 2010 cuvée parcellaire. Travail soigné. Vieilli en fûts de chêne français 18 mois. On découvre des arômes de fruits secs, amande grillée évoluant sur une complexité aromatique.
L' attaque est légèrement beurrée. Notes torréfiées prédominantes alternées de fleurs blanches. 
Coup de Cœur guide Hachette !

Quel est son prix?

Seulement 75 euros.

Vous n'avez rien en dessous. Je suis avec Belle maman, pas avec le préfet! 

Oui, quel est votre budget?

Ici, n' est pas la question. Je cherche un bon vin. Vous connaissez votre métier Laurent. Autrement, je ne serai pas là. Je vous accorde ma confiance!

Oui bien sûr,
J' ai un autre Pouilly, millésime 2016 à point ! Avec un nez évoquant un goût de noisette. En attaque, 
c'est légèrement ample, riche en fruits. Touche miel, fleur d 'acacia, bouquet subtil.
Le gras commence à s'installer sans dénaturer une bouche sensible.
Belle longueur. S'arrondissant sur des notes de fleurs blanches avec une tonalité chèvrefeuille.
Un panier de printemps !

Voilà parfait! Mais, elle est à combien cette bouteille juste à côté?

Comment...Euh...Où… Celle-ci?
Le Pouilly-fumé 2018 à 12,50 euro. C'est trop minéral. C'est l'opposé du Pouilly-Fuissé. On est sur un sauvignon non évolué, aux saveurs empyreumatiques. Silex, pierre à fusil. Trop sec pour la chair du homard !

Justement, je crois que Belle maman aime bien le côté, comme vous dites si bien. EMPYREUMATIQUE. 
Parfait !
Tiens, vous avez des bouchons de champagne? Vous les vendez combien?


Non, je les offre pour les clients.

Ils sont beaux !

Oui, ils sont en inox.

Ah, ce sont des cadeaux que vous donnez à vos clients?

 Oui (je commence à grimacer).

Belle maman adore le champagne!

Justement, j'ai un coffret Deutz spécial pour la fête des mères.
Nez expressif, on voyage sur une première approche de notes de pain grillé. Perlage d' une grande finesse grâce à un affinage en cave.
Mûrissement sur lies pendant 3 ans évoluant sur des arômes d'agrumes en finale de bouche.
Bonne persistance. Belle intensité. Petites bulles fines laissant une sensation de mousse caressante sur les lèvres.
Le tout présenté sous étui gaufré, raffiné avec languette aimantée.
Idéal pour ne pas arriver les mains vides. Extraordinaire (j'articule bien EXTRA) Belle maman sera ravie.
Le dosage est légèrement brut sans être vineux. A déguster avant, pendant ou après un repas.

Désolée, mon mari a déjà fait une résa la semaine dernière chez Moët sur des cuvées spéciales, avec dégorgements récents pour tout vous dire. J' aime quand vous parlez champagne!

Le flotteur a disparu, d' ailleurs, je n'aime pas le goût de la carpe.

Vos bouchons sont magnifiques, Laurent !

Vous trouvez.
Elle en prend un dans la main, ses doigts sont ceux d' une pianiste. caresse,  repose le bouchon en me regardant.
Je sens un goût vaseux dans ma bouche.
Vous en voulez combien?

Je n' ose pas vous dévaliser. Il faut que vous les gardiez pour vos clients qui achètent du champagne.

(Quelle garce)

Je lui donne une boîte de 5 bouchons gratos et je scanne la bouteille à 12,50 euros.
Ecœuré, elle vient de choisir le meilleur rapport qualité/prix du magasin.
Je regarde mon collègue. Louis vient de faire un ticket à 275 euros avec Robert, la mine patibulaire qui repart avec son caddie à roulettes.

mardi 1 mars 2022

La quiche selon mon amie blogueuse Pomme

 



J'essaierai bien aussi la Tourte Lorraine aux trois viandes, attendons un peu les premiers froids.
A part la noix de muscade, j'ai tous les ingrédients.
Donc, je vais essayer la recette de Tante Titine (Par ici la bonne soupe, tiroir de gauche, le blog de Pomme "J'ai descendu dans mon jardin")


Une bonne quiche sera la bienvenue. Pas le machin pâteux et mal réchauffé des bistrots et des grandes surfaces, non! Une vraie quiche lorraine, une quiche de famille et vous allez voir que c'est aussi simple de faire bon que n' importe quoi.
Il vous faut une abaisse de pâte BRISEE; la pâte feuilletée est une hérésie en quiche. Là je suis tolérante; la pâte brisée est facile à faire, mais celle qu'on trouve en grande surface est correcte.
Ensuite un morceau de lard de poitrine maigre, fumé. Un morceau qu'on détaille est meilleur que les lardons prédécoupés. Vous le goûtez; s'il est trop salé, jetez-le dans de l'eau bouillante. Sinon, vous le répartissez sur la pâte.
Important! N'utilisez pas un moule à tarte, mais un moule à manqué: il faut un bord haut, pour que la "migaine" ne dessèche pas.
C'est quoi la "migaine"?
C'est deux œufs entiers + deux blancs, un bol de lait + un peu de crème fleurette, bien battus. Une pointe de muscade, un peu de poivre et pas de sel, le lard suffit.
Vous enfournez à four chaud jusqu'à ce que la quiche soit bien dorée; vous vérifiez à la pointe de couteau qui doit ressortir sèche.
Un point de discussion: fromage râpé ou pas fromage râpé? Chez nous pas! En fait, plus on s'approche de la Suisse plus la réponse change, mais... chez nous, pas!
Alors le secret d'une bonne quiche réside en deux points: pour les oeufs,plus de blanc que de jaune.
Et aussi la hauteur des bords: la quiche est proche du flanc ou du soufflé (et d'ailleurs en montant les blancs en neige, on en fait un soufflé) et s'éloigne de la tarte.
La muscade aussi est importante et la qualité du lard.
Bon, je crois n'avoir rien oublié... si, une pensée pour ma tante Titine qui avait bien d'autres recettes dont les beignets de Carnaval qui doit se trouver quelque part ici ou sur l'Almanach. Si vous ne la trouvez pas, réclamez.
Un jour aussi, je vous raconterai sa soupe purée aux poireaux ou la "basconnaise" et puis le riz au lait et les steaks de pauvre de sa sœur: la Mémère Clémentine... et puis, et puis... oh! Ça me reviendra…
Mais... attention! Si j’entends encore le mot "quiche" employé comme injure.... vous vous ferez tintin pour la suite...
P.


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