jeudi 29 avril 2021
lundi 26 avril 2021
moi vouloir toi
Je déteste l'autoroute même si je pouvais te rejoindre.
IL y a bien longtemps que je t'aime.
Depuis, je m'habitue aux courants d'air, au silence de tes yeux.
J'aimerai tellement suivre le cours des choses, oublier la raison qui m'empêche d'oser.
Et pourtant, chaque jour, chaque nuit, mes pensées s'envolent vers ton cœur.
Comme les mots de la chanson de Françoise Hardy.
"Moi vouloir toi de haut en bas, de bas en haut sans bas ni haut sans haut ni bas".
L'équilibre, pour vivre et rêver avec toi.
Oui, je pourrai te rejoindre.
jeudi 22 avril 2021
De tes propres ailes
Ton ménage semble ne jamais finir
tant le ciel azuré est immense. Qu'il pleuve à seaux et tu bats les tapis de tes
ailes comme on époussette des moutons d'écume. Dans ces moments là, il plume un
frisson d'orage que tes cerceaux roulent en javelle. Dans ton duvet, juste la
nuit. Un brocart à ramages cousu de lune. Un vent en chiffon. Et la rosée, qui
parfois trempe à nu ta livrée de misère sur le toit du monde.
De pylône en pylône. De tour en tour, ils construisent des cages étroites. Des épinettes où l'on trousse la volaille. Des nichoirs pour couver les oiseaux de basse-cour. Et des clapiers pour les cadavres d'enfants.
A la tombée de la nuit, toi tu lessives à la cendre de bois. Quand les ombres bouillies infusent sous le feu des étoiles. Ici, quelques cristaux de soude. Là, un peu de bleu de méthylène fondu dans la bassine d'un ciel rincé. Et soudain, c'est la nuit claire d'un monde qui respire les saisons. Alors, tu cherches dans l'échappée, d'autres flots, une embellie qui viendrait frisotter la seiche du vent sur laquelle tu aimes t'endormir. Dans ces buées où la brume n'est que vapeur, tu frottes, lavandière des dortoirs, tout comme la sentinelle, qui de son vol ondulé, ruse avec le savon. Tu frottes les salissures, l'âme crasseuse de ceux qui ont oubliés de pleurer. De ceux qui ne peuvent laver leurs yeux.
Demain, fenêtre ouverte, tu abandonneras la volière et ses grillages. Et de tes propres ailes, le ciel n'aura jamais été aussi beau...
lundi 19 avril 2021
vendredi 16 avril 2021
(suite) Bouts de Laine
Si la montagne est belle, il me vient pourtant des envies de transhumance. Là, tout de suite. Tombeau d'un gros lainage sur une robe d'été. Mais je n'abandonnerai pas l'agneline à ses linceuls de neige. Ni ton sourire aux corbeaux moqueurs, même si le froid perdure jusqu'en avril. Devant la mercerie Seguin, j'ai pensé aux bobinettes soigneusement rangées dans ton coffre à trésors. A ces bouts de rien, patchworks divers qui chassaient parfois l'astrakan de nos voyages immobiles. T'en souviens-tu, ma fée?
Hilare, je t'imagine piquer les fesses de ce vieux bouc avec un acier argenté numéro 7. Dans la vitrine, c'est toujours un patron collectionneur de filatures douteuses. Le roi du tricotin et des caches couture, laid et malhonnête. Je ne l'ai pas vu à ton enterrement. Ni lui, ni son jacquard d'ailleurs. D'une pichenette, je réajuste mon béret. Monsieur Seguin a baissé son rideau. La vie continue, sans crèche ni enfants et c'est très bien comme ça.
Peut-on délainer l'usure d'une peau, si vieille qu'elle bêle aux larmes? Dessine-moi un mouton. Cette montgolfière, qui dans le ciel de Chambéry, se pelotonne contre les montagnes. Donne-moi la force de grimper les fils d'Ecosse. Et de ma voix chevrotante, je te raconterai alors l'histoire des laines australes. Celles de la soie de Saris et des chameaux du Cachemire quand la nuit, je me réchauffais à tes simples rubans. Je t'inventerai l'Angora Turque et le coton d'Egypte. Ces laines peintes sur le corps des népalaises, les cache-cols de l'Himalaya, les ponchos andins, les cavaliers mongols aux culottes épaisses. Toute une vie tumultueuse et impatiente sur un métier à fleurs! Tu vois, rien n'a changé. Près de la fenêtre, doigtier tendu, tu as la grimace douloureuse. Ce mouvement des lèvres, imperceptible, qui me remuait souvent le cœur. Soudain, la montgolfière prend de l'altitude. Le ciel explose avec les épingles macramé d'un monde qui souffre. Je me tiens éveillé, l'oreille tendue vers une autre nuit de grand gel.
Tu ne te réveilles pas...
jeudi 15 avril 2021
Bouts de laine
Que dire des bouts de laine? Quand la vie s'éparpille et que tout s'emmêle...
Je me suis assoupi. La machine à coudre ronronne comme autrefois. Peux-tu l'entendre, blottie dans ton chagrin à peine fané? Regarde, il neige enfin.
Dans l'œil du chat, ces heures aux reprises assez grossières. L'ennui, roulé en boule sous des coussins moelleux. D'un plaid usé, je caresse la laine ortie, piquée aux souvenirs de tes doigts invisibles. Bleu hollandais. Du même bleu que ce bonnet lutin, en mohair, dont le pompon chiffonnait parfois celui de tes yeux mousses. Pendant les alpages, l'étole et les mitaines réchauffaient nos mains glacées. Ici, le froid grignote les os, même sous une couverture. Tu me manques, petite fée. Comme le clou à crochet où pendouille cette robe un peu rêche. Héritage de ma vieillesse et de mes tourments. A la cérémonie, je n'ai rien dit. Et puis à l'église, les langues sont comme les tapis, trop souvent mécheuses. Mais à la longue, on s'habitue aux courants d'air. A l'inutile.
Je me lève péniblement.
Par la fenêtre, la brume s'effiloche sur les rares passants. Ombres muettes vêtues chaudement de nuit et de silence tricotés. C'est un matin lâche, sans sou ni maille. Un matin qui file. En faillite, peigné aux odeurs du vent. Décembre sans toi, n'a plus de cheminée. Hier, Noël a oublié de frapper à ma porte, les enfants aussi. J'ai allumé une bougie près du sapin, emmitouflé de sommeil et de douleurs. Deux semaines que tu n'es plus là. Deux semaines que je débrouille sans trêve, l'écheveau de ma mémoire et c'est mon plus beau cadeau.
Dans ma chaussette suspendue, rien.
Pour ce bas de laine, toute une vie d'économies et de souffrances! Un châle sur tes épaules nues. Et cette toison fabuleuse, comme un manteau d'agneau que d'autres fourrures viendront bientôt dévorer. Là où dorment les vieillards chevelus, n'y a-t-il donc que laideur, ma fée?
Au cimetière, j'ai arrosé les fleurs...
Et j'ai longtemps pleuré.
samedi 10 avril 2021
L'homme aux semelles de vent
..."Je suis devenu un squelette: je fais peur"...Tu penses écrire l'aveu à Isabelle dès ton arrivée à Aden. Pour oublier la douleur insupportable qui te ronge le genou. Chaque cahotement de la civière, avec la tumeur qui te grignote de l'intérieur. Pour oublier le supplice des rétractions du nerf pétrifiant le gonflement des veines. Epuisé, ton dos à vif marque l'empreinte d'une autre plaie. Hier, tu es monté à mulet, la jambe attachée au cou. Mais frappé de fièvre, geignard, tu l'a senti si raide, en équerre contre son flanc trempé, que les sabots t'ont cloué le ventre. Désormais, tu ne quittes plus la litière. Ton corps entier n'est que meurtrissure où chaque caillou, sous le pas des nègres porteurs, atrophie davantage ton muscle poplité. Déjà la civière se disloque; pendue aux lourds bagages des chameaux, à cette caravane qui s'étiole de l'arrière, affaiblie et lointaine, perdue depuis des heures dans l'océan effaré de cette nuit diluvienne. Comme un abcès, les ombres baignent une lumière liquide. Au milieu du désert, le vent furieux, semblable à celui des montagnes ardennaises, rabote l'escarpe d'un manteau de lave. Halte à Wordji, quatrième jour, et l'orage suppure des engoulevents. Tu tombes de sommeil.
Marcheur infatigable, tu as fui l'ennui. Les rinçures d'une jeunesse absurde, Verlaine, les saisons en enfer. Mais pourquoi garder dans une sacoche de cuir à soufflets cette lettre qui t'informe de la publication des illuminations? Elle n'est que désordre dans tes archives, tes mots, tes photographies de toutes sortes et le guide de l'aventurier commandé chez le libraire Lacroix. Une infirmité supplémentaire, un regard sur le passé. Ou peut-être un doute, sur la rupture de ton apparence de poète. Pourtant tu n'as jamais cessé d'écrire. Combien de lettres ont saigné ton émotivité, façonné l'homme africain que tu es devenu dans la prose latente du voyageur? Ces traces là n'ont pas d'éternité.
Un moment, tu penses à la gomme distillée d'oliban qui en huile essentielle ou en massage sur ton articulation apaise la souffrance. A ta maison de bois où d'un lit en terrasse, tu as expédié les affaires courantes avec César Tian. Aux quinze thalers que tu donnes pour chacun des porteurs qui te hissent à hauteur d'homme jusqu'au port de Zeilah. A l'aube qui s'éparpille. L'air devient irrespirable. Comme une haleine fétide écartelant chacune de tes respirations. Tentacules goinfrées d'arsenic venues manger le chancre des incisions malsaines, l'ancienne syphilis n'a pas épargné ton corps malingre. Tu souffres de la peau. Une peau qui n'a plus d'âge, vieillie, cuite par les brûlures et les cailloux. Les rides affolent une barbe couleur fauve. Tu n'es plus certain de ton ahurissement. De ces léthargies où le moindre mouvement devient torture. Parce que rien n'est pire que le pourrissement du temps. Quand l'ennui suppose qu'il flotte tout contre ta jambe dont les varices mutilent en vain les bandages inutiles.
Tu fixes un point à l'horizon. Dans l'attente des chameaux, tu penses que le poète est un voleur d'ennui...