jeudi 25 mars 2021

Les lieux de rencontre

 La notion de choix dans la recherche d'un conjoint est assez récente. Elle naît au 19ème siècle pour certains avec l'apparition d'une forme de littérature romantique diffusant des idées nouvelles d'amour et de sentiments.

Qui ne se souvient pas de "L'éducation sentimentale" de Gustave Flaubert, étudié au collège sous l'enthousiasme d'une prof de français. (Il faut que je retrouve ce passage. Il a 17 ans, il frôle Marie sur le bateau de la Seine).

Sous l'ancien régime. Le choix était lié aux biens, à la dot, au nom et même à la propriété de la terre. Le mariage jouait un rôle essentiel en regard de la reproduction de la société dans ces structures et en particulier pour assurer la stabilité des hiérarchies des pouvoirs et des fortunes.
Pour les sociologues, ce régime démographique se caractérisait par le fait qu'il était subi : "La vie ne cessait d' être précaire ; on acceptait les enfants que le ciel envoyait". On se mariait suivant la coutume. Tout n'était pas dit à la naissance, mais peu d'événement jusqu'à la mort, relevaient d'une décision.
Les temps ont changé et on n' échange plus aujourd'hui des biens ni des noms mais des sentiments.
"Coup de foudre", âme sœur, rencontre magique. C'est le hasard qui fait la rencontre, le destin. C'est en tout cas l'impression populaire.
Sous l'apparence d'une liberté nouvelle et totale.
L' homogamie existe, prédomine mais se transforme : au final, le niveau social et culturel reste une composante déterminante dans le choix d'un potentiel conjoint. Bien évidemment, on n'aborde pas l'autre dans l'intention consciente d'identifier ces critères.
Les combinaisons possibles entre les individus désacralisent le rôle de hasard et de la coïncidence.
Les individus s'unissent de préférence avec leur égaux sur l'échelle des classes sociales. Cette tendance vaut pour tous les niveaux sociaux.
Certaines trajectoires ne se croisent jamais, les semblables ou du moins ceux qui partagent une même culture de groupe s'assemblent plus fréquemment.
Bien plus pervers, le choix est biaisé par les différentes formes de socialisation et de sociabilité auxquelles participent les acteurs. Elles jouent le rôle de filtres endiguant le champ des possibilités à portée de chaque individu.
Ce qui les conduisent vers le destin sentimental pour reprendre le slogan
"N'importe qui de même n'importe qui ne se rencontre pas n'importe où"

Avec ce triangle :
- Lieux publics
- Lieux réservés
- Lieux fermés

(Il est là le petit passage de Flaubert)

Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu'il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda...
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l'ovale de sa figure...
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manoeuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d'observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n'avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier a ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu'elle avaient portées, les gens qu'elle fréquentait ; et le désir de la possession physique disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n'avait pas de limite.
Il la supposait d'origine andalouse, créole peut-être...
Cependant, un long châle à bandes violettes était placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. Elle avait dû, bien des fois, au milieu de la mer, durant les soirs humides, en envelopper sa taille, s'en couvrir les pieds, dormir dedans! Mais entraîné par les franges, il glissait peu à peu, il allait tomber : Frédéric fit un bond et le rattrapa.
Elle lui dit :
- "Je vous remercie, monsieur"
Leurs yeux se rencontrèrent

Existerait-il donc bien un fort déterminisme social régissant les unions entre les individus?

lundi 22 mars 2021

Le vent

 


Ce soir, il est déjà tard.

Tout le dortoir est endormi, moi je tourne et retourne dans mon lit.
Le vent souffle très fort et je ne peux dormir.
Il ébranle les sapins, fait tournoyer les feuilles tombées à terre.
Alors me dressant sur mon lit, je lui murmure tout bas.
Allons ce n'est pas gentil de laisser dormir les petits enfants.
Oui je sais, je comprends ta misère et ton dénuement.
Mais cela, ne sert à rien, sois gentil.
Après ces bonnes paroles, je n'entendis plus rien.
Le vent s'est recueilli, je l'entends qui calmement marche dans les feuilles.
Maintenant je vais pouvoir dormir, je sens que mes paupières vont bientôt se fermer.
Que de jolis rêves vont s'épanouir et que moi et le vent auront été contents.

(Préventorium de Chassignol  - Puy de Dôme)  poème composé par ma mère à l'âge de 14 ans.

mardi 16 mars 2021

Escale à Papeete

 Papeete :

Une arrivée à Tahiti qui ne sera jamais inoubliable...Un ciel tahitien qui pleurait mais que le soleil omni-présent consolait vite. Papeete alignait devant nous ses plus beaux chalets, ses plus beaux bungalows et toute la population du sexe féminin qui attendait sur le quai avec leurs robes éclatantes et leurs jolis parapluies jaunes avec des colliers de fleurs encore une fois jaunes - (le jaune est toujours à la mode à Tahiti).
Tahiti, pays plein de charme. Le vrai paradis perdu. J'ai été ébloui et je n'exagère vraiment pas.
Ses belles montagnes. Au sommet de 2300 m avec ses brousses, une verdure luxuriante et incroyable, ses longs cocotiers qui se balancent que par leur grandeur, des arbres fruitiers partout, les magnifiques bananiers et les belles pamplemousses.
Ses belles plages avec leurs eaux chaudes de la mer et derrière les forêts avec des sources à eau naturelle et douce.
J'ai passé aujourd'hui une journée exceptionnelle dans la brousse. Evidemment je vous relate en gros, je ne pourrais jamais tout vous dire. Nous avons goûté à tous les fruits, bu le lait de coco. Nous avons frayé des passages à l'aide d'un coupe-coupe.
Des oiseaux par milliers, des verts, des violets, des jaunes nous souhaitaient la bienvenue. Nous avons été reçu dans des casemates indigènes de la tribu des roûroûrs (prononcez et faites rouler les r c'est le langage de Tahiti).
Ils nous ont donné de l'eau fraîche et ont été très gentils. Ils ont fait un chant en notre honneur, un chant sauvage qui a raisonné dans la brousse et dans la montagne. Et un tam-tam sonore qui s'est répandu très bien.
Tahiti vit dans la douceur, le calme quand le soir est tombé et les gens retirés dans leurs cases au toit de feuilles de cocotiers ou dans leurs chalets.
Dans la ville, autant d'allées et venues la nuit où partout les guitares bercent le bonheur, le rêve de ce paradis avec les plus belles filles du monde qui entonnent les airs combien charmants du Pacifique.
"Je chante ta romance dans le ciel immense". Puis ce sont des danses trépidantes, sauvages où tout le corps remue, vous rencontrez pas mal de femmes saouls où elles ont absorbé trop de whisky-doubles et dansent ce qu'on appelle ici le "tabouret" et toute la nuit dans le ciel étoilé les complaintes agréables et charmantes montent, montent dans leur ciel tahitien le plus beau ciel du monde.
Vie d'insouciance où les indigènes ne vivent qu'avec leurs guitares et les grands magasins sont tenus par les chinois et des chinois il y en a à Papeete.
Une pointe d'orgueil monte quand même aux français quand on voit notre magnifique drapeau tricolore bien haut qui flotte dans toute sa gloire et c'est pour nous quand même de posséder une île si magnifique. Un prestige qui n'est pas à dédaigner.

- extrait d'une correspondance de mon père, jeune militaire adressé à mes grands-parents qui découvrait Tahiti.
(Joyeux anniversaire Papa)

dimanche 14 mars 2021

Gerberoy


 



C’était une bonne idée, Gerberoy, une petite halte avant Le Tréport.

L'Oise normande, avec ces maisons en torchis alternées de briques rouges, je voyais dans les lumières transparentes le visage de Maud caressant les roses trémières. 
Sur les pavés,
" J'me disais, une femme, ce n'est pas si compliqué que ça.
Faut peu de choses pour les rendre heureuse, de la voir s'émerveiller sur des petites choses, ça m'intriguait, Je n'avais pas l'habitude"
En arrivant sur la butte, assis sur le banc.
Elle s’était nichée au creux de mon épaule.
Devant le panorama, 
Comment ne pouvais-je apercevoir derrière cette nature souriante? Une bohême réceptive qui cueillait l'instant,
Je n'étais pas étonné qu'elle éprouvât le désir de s'allonger sur l'herbe.
C’est un geste naturel, dès que la vie bourdonne, on a ce besoin vital d’être en communion avec les éléments.
Je pensais que ça allait durer 2 plombes!
Zut ! Le meilleur resto du quai François 1er va encore me passer sous le nez !
Adieu " Le Tréport «  resto,  muscadet, nougat glacé.
Je vais encore me taper un kebab."
Quand j'y pense, j'exagère !
Dans un décor bucolique, j'entendais son petit cœur battre.
N’y a pas à dire, quand vous avez la nuque calée dans les seins d'une femme. Ça cadenasse vos angoisses. C'est comme un soleil en cloche puis vous fermez doucement les yeux. Vous sentez la ruche bourdonnante comme un emplâtre vivifiant vos raideurs cervicales.
Une piqûre de l'océan qui vous rattrape plus tard sur la bordure de la jetée de Mers Les Bains.
Je revois encore mon corps collé au sien, où,  nous nous languissions de nos sandwiches américains.
Dos à dos.
Opposés, le temps d'aimer...
Oui....Il  n’y a que les femmes qui ont ce pouvoir de nous faire glisser les nuages…
Du haut de la falaise,
Comment ne pas oublier le bruissement du vent,
De nos tignasses peignées à la diable,
De nos lèvres noires,
La mer était belle.

vendredi 5 mars 2021

Au fond du regard

Le regard semble profond. C'est un trou de mémoire où stagnent les éclaboussures d'une mère morte. Quand la douleur est vague, mon amour, elle n' emporte rien. Elle coule.



Cette nuit pourtant, un brise-larme se perd dans le canal. 
J'entends son cor de brume sangloter un rire houleux. Et ton ombre au passage, qui ruisselle aux dernières cataractes, ne peut le secourir. 
De ce rire cristallin, résonne la plainte du puits perdu. Je l'entends, avec une âme qui grouille et des soupirs dans leurs bottes d'égoutier. 
Sous le battement de la pluie et des paupières, j'entends clapoter le collyre contre les grilles. 
Cette nuit, je te vois la peau nue, molle, humide. Mais peut-être que je ne sais pas voir, mon amour. Peut-être que cette douleur-là a simplement la cornée des sentiments rudes. Comme la tempête du soupirail. Comme le chagrin qui dessille à vivre dans les larmes. Hoquet, la souffrance, disais-tu. Autour du globe, les pupilles sont devenus mousses par usure. 
A l'orphelinat, combien sont allés cueillir les prunelles au fond du jardin? Combien, énucléés explosent de joie dans la poudre d'iris?
Soudain, l'océan a quelque chose de sinistre. Il écume et fait jaillir ta colère. A ta respiration cutanée, je devine une lente métamorphose. En orbite sur des brisants épars.
Parfois, j'aime m'attarder sur la lentille rousse de ton front. J'y vois une île de beauté. 
De cette mère jamais létale, souffle la bise. C'est une baie vitrée. La transparence, d'un monde vu de loin. Là-bas, je me noie dans la liqueur de tes yeux. Si l'alcool rétrécit les pupilles, il allume aussi l'éclat du ciel. Ces voiles immenses qui entraînent la fange des caniveaux. Tu as toujours ces mots qui font rire le silence, comme les "cabines d' uvée" ou " la cour borgne des miracles". Ces mots échardes, éclairés, te donnent la juste lumière. Alors, cette nuit, je te suis les yeux fermés, mon amour. Il me suffit juste de lorgner ton île, d'essuyer un grain. Et d'apprendre les marées au fond du regard... 

(texte Jonavin)

lundi 1 mars 2021

Au bord - elle

 



Au bord - d'elle 
il y a des envies de lui 
des chiffons de soie
Une drôle de touche
quand la lune se couche sur un vieux sofa
Paupières mi - closes elle jette une rose à la fille de joie 
qui tue les alcôves quand la nuit se sauve par - dessus les toits 

elle suit les coutures d'une plaie artificielle

d'une plaie qui suppure les contours du sommeil 

du même bord, la nuit s'endort et la nuit s' éveille

elle change le décor et l'ennui des corps sans besoin d' être belle au bord - d 'elle... 

il y a des envies de lui... 

des chiffons de soie 

une fenêtre borgne 

le temps qui se cogne autour de ses bras

La douille d'une cartouche comme une bête farouche qui la montre du doigt et des chrysanthèmes un dimanche de carême dans ce grand lit froid 

Les bouquets se fanent quand l'amour les condamne à vivre hors - la - loi

Un matin qui fait mouche un baiser sur la bouche et la nuit s'en va

Une vie de bohême c'est une vie sans diadème mais une vie de roi qui tue les alcôves le rouge et le mauve et les grands yeux lilas. 

(Au bord - d'elle - Jonavin)

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