mardi 29 octobre 2019

Terraplane blues


I'm on'h' ist your hood, mama mm

I'm bound to check your oil

I got a woman that I'm lovin'

           way down in Arkansas...



Le blues lui revient en mémoire. Poppy l’aime bien ce morceau.

Combien de fois l’a t- il miaulé dans les juke-joints de Clarksdate?

Il ne saurait le dire. Mais ce soir, le souvenir de Thelma est là, qui le hante. Forcément. Il se rappelle bien l’avoir séduite sur le capot d’une Terraplane d’avant-guerre. Elle est morte en couches avec le bébé, un jeudi de novembre 1930.

Alors, il avait soufflé fort dans son harmonica pour apaiser le crossroad. Et de son mojo, brûlé les os noirs où danse le cœur du Diable. Mais ça n’avait pas suffit...

Griot des plantations, il a d' abord fui au fond des marécages. Pour oublier. Comme étranglé par les mousses espagnoles dont les doigts sorciers semblaient le pendre aux cyprés. Dans les ténèbres, il a porté le deuil avec les alligators. Mangé cet éclat de lune qui lui gobait les yeux. Là où les arbres flottent, Poppy a senti le vent gémir, accordant son maudit Dobro à la colère des eaux buvant le ciel. La nuit clouait des harfangs pour lui vendre une étrange lumière. L’harmonica pleurait aux murmures des étoiles. Au bruissement des pins rouges que l’aube baignait sans cesse en lueurs vaudou. Pour l’interdir de dormir.

Mais l’ombre de Thelma n’a jamais vraiment disparue.

Alors, il avait quitté le bayou et le Mississipi. Direction l’inconnu.

Au hasard des bouges crasseux et des picnics pour jouer les mêmes work-songs. Seul, forcément. Parfois il chuchotait son blues, parfois, il l' haletait. Gonflant les veines, se mordant les joues pour étouffer les derniers sanglots de sa gorge sèche...

Vingt-ans après, la Terraplane roule encore. Il a vérifié son niveau d’huile et clandestin, file en direction des freeways. Les seize-ans de Thelma lui soufflent toujours une chienne de mort. Comme cette guimbarde cahotante où chaque mile saigne leur jeunesse cotonnière de Greenwood. Dans le rétro, il peut voir son visage. Avec des yeux noirs et torves.

Sa barbe ronge une peau tuméfiée dont les cicatrices sont encore profondes. La protubérance des pommettes accentue la dureté des traits. Et cette barbe-là   s’engouffre à chacun des angles, monte en broussaille sur une bouche lapidée qui dévore celle endormie de Thelma, fantôme sur la banquette arrière.

Poppy ce soir a perdu son âge.
traduction :             ...And I feel so lomesome

              You hear me when I moan?
Il sourit. Big Mama Smith dit toujours que le piano de ses dents ne connaît pas l’art mineur. Seul l’ivoire insuffle l’écume du delta à ses lèvres, comme muées par les forges de l’enfer. D' abord sourde, la plainte monte de sa bouche, en quête de la maudite note qui apaisera le feu. Elle pénétre la puissance du souffle pour ensuite écorcher ses longs doigts autour du chrome. Poppy a cette façon déchirante de frotter les anches métalliques ; un timbre rauque, cri d’orviétan quand le Diable ricane ; comme si la douleur, soudain sonore enfantait le désordre de l’âme. Forcément. Et Big Mama savait l’écouter. Et Thelma aussi quand il jouait le blues avec son âme...


Je vais soulever ton capot, chérie

Je vais vérifier ton niveau d' huile
Il y a une femme que j' aime là-bas en Arkansas...

je me sens si seul, tu m' entends quand je gémis?...

(texte Jonavin)

jeudi 24 octobre 2019

Bleu pour le ciel à contre courant



Allongé sur le dos,
Hier, j'aimais
Le mouvement de tes doigts
Oscillant dans la seiche au vent
Chapeau de paille entouré d'un ruban
Flottant
L’insouciance
J’aime tout en toi
Quand tu sèmes à tout vent
Là, où ton ombre butine
Et caresse les peaux blanches
Libellule pour la tourbe légère
Bleu pour le ciel à contre courant
Bleu pour la romance du ciel

mercredi 16 octobre 2019

A la ligne

Je me suis levé tôt. Les ombres mouillaient la nuit. Autour de la montagne, un feu d'étoiles.
Dès l'aube, j'ai pris mon filet pochoir, une vieille raquette de tennis débarrassé de son cordage à laquelle j'ai rajouté la poche d'une épuisette. Papa l'avait dit : C'est à la rosée qu'il faut les prendre, quand elles sont engourdies par la fraîcheur nocturne!"
Le filet est très utile dans les marais herbeux. Suffit d'exercer des mouvements de balayage jusqu'à ce que la poche s'alourdisse. Évite de faucher après la pluie mais patiente avant un orage. Les sauterelles seront nombreuses et actives avec un ciel noir. Papa appelait ça la chasse éclair.
J'ai gardé ma prise dans un bocal hermétique.Un simple pot de confiture dont j'ai percé le couvercle.Conserve les vivantes disait-il. La sauterelle est l'appât le plus efficace quand les eaux se teintent.

Aussi, le ciel gronde encore que j'attache le manche de la canne sous la selle de mon vélo, laissant dépasser le scion bien au-delà du guidon.J'ai déjà préparé le panier en rotin, le raphia et les hameçons. Je pédale prudemment le long du ruisseau. Peu à peu, l'obscurité laisse place à une légère brume qui stagne dans les eaux basses. Parfois, un corbeau croasse, une branche flotte, griffure dans la nuit. A l'endroit de la montagne, là où le torrent se calme et forme un coude sans trop de courant, je pose enfin ma canne. Rien a changé. Ni les pierres formant un pont dans le tumulte apprivoisé, ni les roseaux jaseurs d'une fin d'été. Rien.

Studieux, je "lis" les mouvements de l'eau. Les courants, la profondeur. La discrétion, comment s'accroupir sans faire de bruit, comment s'interdire de patauger dans le lit du ruisseau quand la truite s'y couche. Tout comme tu me l'a appris. Peu importe la bredouille.
Je plombe assez bas, à quelques centimètres de l'hameçon afin de pêcher le plus léger possible. Car le poids est l'ennemi du pêcheur, mon garçon rappelle t-en.D'ailleurs, il n'est pas rare d'avoir une touche à moins de vingt centimètres d'eau. La canne est celle de mon enfance. Un long bambou avec un moulinet dans le talon, flexible mais fragile. Papa me l'avait fabriqué pour mes huit-ans. Entretoisée artisanalement, son fil intérieur conserve une glisse parfaite, même sous la pluie. Je la sert très fort, les yeux humides.

Ensuite, je fais passer l'hameçon derrière la tête de la sauterelle, sous le corselet, faisant ressortir l'ardillon de moitié. L'insecte gigote. Le plomb de touche est assez loin afin que l'appât puisse remonter dans le courant.C'est étrange. Les gestes sont mécaniques.
Il y a un peu de vent. Doucement je me couche à plat ventre. La truite est là. Méfiante. J'apprécie la distance qui nous sépare.Tandis que la sauterelle tombe à l'eau. Je la ferre sans hésitation.

Tu ris...

(texte Jonavin)

dimanche 13 octobre 2019

La souche

Jamais Louise n’a senti le vent
Ni personne pour caresser sa peau tiède
Aucune embellie où tout se rapproche
Allongée sur une souche en forêt de juin
Elle dort
Une lueur ou bien une ombre
Transperce son corps
Puis se retire
Pour lui dire
Adieu

jeudi 10 octobre 2019

La dame de Monsoreau

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iL y a toujours ce bouquin de la « Dame de Montsoreau » sur mon lit. Et je n’aime pas lire.
S’il y avait une fête populaire au Puy Notre Dame, au moins je t’emmènerai voir les fameuses galipettes, oui ces champignons de Paris que l’on cultive dans les galeries Saumuroises.
Ils sont énormes parce qu’on les laisse pousser plus longtemps. Et puis un jour, la tête tombe pour se rouler. Alors, on les ramasse pour les faire griller sur de grands barbecues, accompagnés d’un beurre d’escargots que l’on déguste avec des fouées.


Tu sais, ces petits pains cuits au feu de bois, garnis de rillettes, de mogettes, de fromage de chèvre ou de beurre salé.
Perdue, au milieu de ces grandes tablées aux fumées odorantes.
J’aime quand tes lèvres goûtent le vin framboisé. Dans l’instant, je te vois en robe légère t’allongeant au bord de l’eau. Tête rêveuse.
Le pont de Gennes, magnifié par une coulée de lumière où j’imagine, le premier rendez-vous. L'ombrelle habillée de noir ouverte comme un parapluie qui tourne comme une fleur agitée.

Attendant que le soleil touche la main. 
Paupières mi-closes,
Depuis la chambre
, j’écoute la pluie…

mercredi 9 octobre 2019

La petite place de Marçon





La petite place de Marçon était calme, moment idéal pour casser la croûte au soleil. 
Assis sur le banc, je découvrais les lieux pour la première fois.
Etrange novembre en bruyère sous le soleil pâle.
Comme l’endroit s’y prêtait, j’imaginais...

samedi 5 octobre 2019

Un petit mariage de campagne

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Les familles se disloquaient le long de la petite route de campagne.
Je me souviens encore des pas qui crissaient sur le gravier, de ce vent soulevant les vêtements.
Le porche de l’église romane dans la pâle lumière de décembre avant que ne résonne « Gloria in excelcis Deo »
La mariée, au bras de son père avançant doucement  jusqu' au transept, teinté  de » Terre d’espoir qui réveillait le chœur d’Elgar. »
Le bouquet rond champêtre dans la légèreté de la main,  dans la portée
De
Frantz Schubert –«  Avé Maria »,
Haendel –«  Alleluia »
Ainsi que,
Borodine, Verdi et d’autres dont j'ai oublié les noms.
Mais la clef la plus saisissante,
C’était la sortie des mariés dans la pénombre,
Un lancer de confettis, de riz, de pétales roses, blanches qui tournoyaient dans la nuit, le tout bercé par le son des cloches.

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