mercredi 4 décembre 2019

Le train de mes mains

J'ai pris le train de mes mains. Quand la nuit déraille, elles m'accompagnent sans crier gare.Sais-tu que les mains sont les traverses qui mènent aux adieux? D'un train qui ne revient jamais, elles emportent, infidèles, les coups de butoir.
Celui-là connaît son départ. L'étroit vallon d'une joue rebondie,- l'arrête d'un nez, toutes ces montagnes qui font les pommettes saillantes et les ponts du regard, infranchissables. Dans un wagon-lit aux doigts de rose, mes ongles te démaquillent. Comme une empreinte délicate, un voyage immobile ou je m'accroche désespérément. Convoi détourné, il a passé les roches sourcilleuses. La fonte du rimmel. Un temps chagrin et boudeur sur ton visage à peine endormi. Personne n'est venu m'attendre sur le quai. J'ai regardé mourir le halo des abats-jour.Un ciel plafonné, comptant les heures, en vain...
Ce train-là n'arrivera jamais à destination.Trop de courbes et de dénivelé dans la monotonie passagère.Trop d'incertitudes sous l'éclair noir des paupières.Une jonque s'éloigne à chaque battement de cils. C'est un voilier aux lattes cousues,  un store de bambou où plus rien ne filtre. Pas même la mousson quand j'apprenais là-bas à deviner tes ombres chinoises.Le train s'y attarde mais sans la folie d'autrefois. Paysage choisi ,il manque désormais la magie du premier regard. Les arcades feintes au crayon et surplombant les yeux, la ligne d'un long tunnel incurvé.
A travers la vitre, passaient là des mascaras aux reflets moirés. Des lueurs malicieuses dans la prunelle gris-bleu de l'aube. Sous le fard ,des soleils enfumés d'eau et de cendre. Ce matin,  rien. Juste un froid qui balaie l'oreiller. Je n'ai que moi à vivre. Dans des haltes d'haleine, une solitude cahotante, un compartiment réservé. Fini les manches pagodes où j'allais rejoindre un coin d'épaule .L'express à bout de bras .Et pomme ouverte, l'aiguillage à trois voies autour de tes maigres poignets ronds.
C'était le temps où nos mains se croisaient.Celui des fourgons de tête quand les valises sous les yeux, nous partions sans bagages. Celui des soleils à points fermés. De cette vie voyageuse, il reste une voiture couchette.
Mes mains en train...

(texte Jonavin)

2 commentaires:

  1. La solitude et ces mains qui n'étreignent plus personne. C'est poignant. Bises alpines.

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  2. Hélas oui la solitude, les sentiments éternels qui guident les mains.
    Il y a un côté parfois triste dans les textes de mon frère.
    Bises du soir

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