lundi 30 novembre 2020

Place Saint Silain


 D'abord il y a cette clarté. L'embrasement du mur de la Cigale dilué dans un bain de soufre. Sur la place, s'écrase un ciel d'averse qui réveille l'étuve d'un marché aux fleurs. Là où les étals suant des étincelles détrempent le jaunet des tournesols. Mais c'est un plein soleil qui escalade à présent la cathédrale Saint Front ; on le devine électrique, au milieu des coupoles byzantines

Un instant Madeleine le suit du regard. Elle pense aux crépis bulbeux d'autrefois alors qu'il grimpe la tige du haut clocher. Ici, à l'ombrelle éclairée d'angélique pour le bouquet rond de la lanterne.

Au store en demi-lune coiffant la vitrine du bijoutier. Ou à celui du salon de thé, face à la fontaine étincelante.

Effeuille la marguerite que le vent emporte...sussure t-elle.

Déjà la toile de la cigale égoutte le reflet des fenêtres sur le mica des tables bistrots. Un client fume une cigarette à la terrasse. Dans ce tapage criard, Madeleine vit un court moment de tristesse. Comme un flambeau grossier de jonquilles qu'elle penche au bord des larmes pour allumer la peur de ses yeux.

Sombres pensées...

A peine onze heures. Sur les toits, le soleil n'arrive plus à faner les tuiles trop rouges. L'odeur du foin vert. Mais surtout l'herbier d'oiseaux morts qui lui trotte encore dans la tête.

Rue du petit cimetière. Madeleine brûle d'impatience.

Entre les pavés, elle pense aux soucis que les chalands piétinent. Au millepertuis pour éloigner la mélancolie ; et sur le fer forgé des balcons, à toutes ces jardinières qui font scintiller d'or et de sang les lourdes bâches ruisselantes. Entre groseille et doré, la septuagénaire pense aussi aux colchiques d'automne pour le cœur vénéneux des hommes. Image furtive mais douloureuse qu'elle étouffe dans un profond soupir.

Il n'y a pas de roses sans épines...

A la terrasse, l'homme s'est levé.

Soudain l'éclat est si lumineux qu'elle imagine un soleil torpillé dans le feu de l'eau.

A ce gargouillis de lumière, fait d'orage et d'incendie pour enflammer l'ombre des tilleuls.

Tranquillement, Madeleine dispose ses trois panneaux de carton autour d'elle. Elle y a inscrit les bribes de son histoire à l'aide d'extraits de journaux. Collé la photographie de ses enfants, celle de son mari dans leur hôtel périgourdin. Vendu. Elle explique en détail les courriers du tribunal, ses dettes. Juste l'ortie du monde irritant ses bouquets champêtres. Personne ne s'aperçoit qu'elle asperge ses cheveux d'essence. Parce qu'ici comme ailleurs, la solitude n'est pas une fleur cultivée. Une fleur de jardin.

Et la vie t'aime un peu, beaucoup, passionnément...

Sa voix est claire. Dommage. Personne ne l'écoute... à la folie, pas du tout...

Alors au dernier pétale, Madeleine craque une allumette...

(texte Jonavin)



vendredi 27 novembre 2020

jeudi 26 novembre 2020

mardi 24 novembre 2020

Tango

 Vole ta courte robe en tulle paillette et résille noire. Un boléro cache tes yeux morts. D'ici, je peux entendre claquer tes chaussures en suédé noir, gansés d'un vieux rose fané sur le talon. Et un discret lacet ruban entamer tes frêles chevilles. La lumière transpire. Comme tes pas en miroir, enfumés, lustrés, tourbillonnants.

Danse, arrabalera, danse...
Mais tu voudrais bien les envoyer valser ces heures poisseuses. Tu les sens si torrides que tu décides d'en jouir immodérément. Car ici l'entracte se résume à une odeur, une chaleur. Un relent de gomina qui flotte en toutes les pièces. Un lupanar où le noir se fait soudain brillantine. Où les chemises blanches accusent des costumes confortables. Entre cicatrices et nez de boxeur, entre haine et mépris. Entre alcools forts et parfums corsés.
Danse encore...
Tu aimes pourtant ces parquets foulés par des pieds inconnus. Et de tes exigences, souvent brutales, le besoin de te déplacer d'un bras à l'autre. Cambrée dans le feu d'un regard, jambe arrière tendue, tu t'abandonnes parfois. Avec un danseur trop entreprenant. La braise d'une aube violentée. Les accords d'un bandonéon. Un tango assassin.
D'accord, la nuit s'effondre. Choquante, enivrante. Jambes légèrement écartées, la robe un peu relevée, elle finit de faire l'amour au petit matin. Puis file nue dans les boudoirs et les tripots, bousculant la respectabilité du jour qui la snobe sur ses pas vulgaires. Presque abattue de s'être trop donnée, elle danse à en crever. Comme toi. Alors un caïd met sa main droite dans ton dos. Son autre main posée à hauteur des yeux, brille comme une lame de couteau. Après une légère rotation du buste, il pousse ta jambe dans une parfaite castigada. Voyeur, ce caïd-là dégage une plainte sensuelle que tu peux identifier dans ses prunelles absentes. Sans gêner son guidage, tu te laisses gagner par le plaisir. Possédée, tu brûles déjà en enfer...

(texte Jonavin)

dimanche 22 novembre 2020

Quelque part en Anjou


J'aurai bien mis une annonce,
Cherche accompagnatrice pour 3 jours,
Histoire de développer ma capacité d'expression sur les châteaux et les ponts de la Loire.
Oh oui,
Une guide volubile m'accompagnant en voiture,  un peu rêveuse dans les jardins de Villandry,
Enigmatique, le soir à la bougie,  visage éclairé dans la fraîcheur d'un caveau aux odeurs de tuffeau. Quand je pense que je connais "les Galipettes"  ces champignons de paris qui poussent longtemps dans les galeries souterraines saumuroises. Si énormes, qu'ils finissent de tomber par terre en se roulant d'où l'expression enfantine.
On les déguste en anjou lors des fêtes populaires,
Grillés sur des barbecues avec un beurre d'escargot, accompagnés de fouées, ces petits pains garnis cuits au feu de bois plus connu sous le nom de fouace, dans le sud.
Magnifiée, par une coulée de lumière,
Sous le pont de Gennes.
Depuis ma chambre, paupières mi closes
J'aimerai voir entre les tables enfumées, ses lèvres toucher le vin framboisé, A la robe si légère, s'allongeant au bord de l'eau comme la Dame de Monsoreau.

lundi 16 novembre 2020

Beaujolais nouveau

 Jeudi à 9 heures,  je commencerai la mise en place

D'habitude, j'ouvre toutes les bouteilles sans exception mais cette année avec les mesures sanitaires, ce sera une première. Aucune dégustation est permise.

Du jamais vu, 
Comment leur expliquer ceux qui sont "bonbon anglais", "légèrement  acidulé", " fruité bien équilibré" Etc etc... c'est vrai si j'apprécie  les clients se faire une opinion pendant la dégustation, j'interviens  quand  je sens leur indécision.
Ce n'est pas évident quand il y a beaucoup de références, 
Les grognons, les perroquets qui chaque année me rabâchent que le Beaujolais ce n'est pas du vin me fatigue les écoutilles.
J'aime ceux qui font preuve de savoir vivre, d'empathie, de gaîté.
Là, je conseille les meilleures références où le beaujolais nouveau aura gagné en rondeur, délicieux avec 
une  belle volaille rôtie à Noêl, bien meilleur qu' un Haut Médoc où les tanins aiment le sang.
Une Ballotine de volaille truffée accompagnée d'un Beaujolais nouveau...Essayez!
Et pourquoi pas aux beaux jours de Printemps, paniers en mains pour les sensibles de la nature, s'installant sur l'herbe, quelque part en haut de la Roche-Guyon, les yeux rêveurs face aux boucles de la seine,.
Aussi, avant le film du dimanche soir,  un poulet froid rôti sans oublier une rasade de Beaujolais en bouche pour faire voyager le Brie de Meaux  avec un bon pain au levain.
Je fais parti de ces vendeurs qu' aiment qu'ont les caresse dans le sens du poil mais c'est vrai si le client casse bonbon n'existerait pas, ça saurait triste dans le commerce...Sourire...

Beaujolais nouveau rouge,
L'idéal , c'est la situation des parcelles si les vignes sont exposées en coteau plein sud sur un sol argilo-calcaire. Voilà de quoi faire un bon vin si le raisin est récolté uniquement à la main.
Macération semi-carbonique dite « Vinification Beaujolaise » C'est à dire les grappes entières du dessus tassent celles de dessous.
Dans le Beaujolais, il maîtrise parfaitement ce procédé de vinification grâce à des levures spécifiques lors du démarrage de la fermentation.
Vinification : cuvaison de 3/5 jours à une température de 28 à 35°C. 
 Elevage sur lies fines en vieux foudre de chêne  (environ 4 à 6 semaines).
 A l’œil, le Beaujolais Nouveau dévoile une robe rouge clair, groseille, cerise, parfois rubis, avec des reflets violets,
 Au nez, c’est un vin distingué, fin, avec des parfums inégalables de raisins frais et de petits fruits rouges
En bouche, le Beaujolais Nouveau est avant tout un vin tendre, souple, fruité, gouleyant, parfumé et d’une grande fraîcheur.

Le Beaujolais nouveau rosé
La technique exige une,
Macération des grappes entières en cuve à froid, pendant la nuit.
Pressurage le lendemain à basse pression.
Soutirage à froid afin de garder les jus les plus clairs.
Fermentation à très basse température afin de préserver la fraîcheur de la nuit pour obtenir une robe rose pale, arômes floraux et de petits fruits rouges.
C’est un vin léger, fruité, tonique, vif, « crispy », avec un peu d’acidité.
Servir légèrement frais, 15-16°, avec de la charcuterie, des fromages.

dimanche 15 novembre 2020

Les bouts du monde

 Depuis mes 17 ans, je pensais être habité par un grand vent romantique qui m'accompagnait partout. Une sorte d'effluve que l'on respire, une vision naturelle.

Les bouts du monde,
Dans les endroits calmes, quand le sillage navigue sur une ligne d'horizon.
Un matelot qu' attend,  qu’on lui jette une fleur par-dessus-bord. Comme cette charmante sirène clapotant sur les flots grinçants.
Sculptée à la proue. D’une blonde peignée, en équilibre avec le ciel. Regarde de ces yeux moqueurs. Les conquérants emportant l' incroyable litanie des voyageurs.
Fascination étrange qui échevelle dans les nuages les voiles d’évasion.
Claque le vent, sur fond d'azur, les pensées amoureuses franchissant la couleur du cap de Bonne Espérance sous le déluge d'histoires de cap engloutis, de havres battus et de récifs semés d'embûches.
Plutôt un océan qu'on dénude, la perle rare, au risque de ne pas la perdre.
Rejetant par saccade, le catogan des vagues éphémères que le vent ébroue.
J'avoue, le fracas des brisants n’avait point soufflé par-dessus les dunes. Et, malgré les coups de mer, les cheveux ébouriffés, comme un aventurier au visage mouillé dans le vacarme assourdissant.
Mon cœur resterait intact dans les déferlantes de mon imagination.
Le chant des sirènes n'allait pas tarder...


Quelques années plus tard, 
Dans une salle d'attente, le jour, où je suis tombé sur ce fichu article de morphopsychologie.
Mon rêve s'est effondré comme un jeu de paume.
Parfumé, d’une légère odeur d'eucalyptus, je feuilletais quelques pages d'un magazine dans le confortable rotin. Là, j'me suis attardé sur un passage des signes de la main.
Etes-vous pouce gauche ou droit?
J'ai fait le test.
J'men souviens encore...J'ai croisé mes mains, décroisé et recroisé celles-ci.
En observant bien la position des mains. Constatant que le pouce droit se superpose sur le gauche comme sur la photo.
Histoire de voir si ce n'était pas un coup du destin, j'ai fait le sens inverse.
(Nul doute, j'étais mal à l'aise. Un truc contre nature)
J'ai recroisé mes mains retrouvant ainsi ma position naturelle, comme un enfant qui s'amuse.
Moi qui pensait être de dernier des mohicans, le style de mec qui ne communique que par signaux de fumées. Perdu dans les fjords les plus isolés à la recherche d’une indienne sans ombre. Mordu par le clapotis et poussé sans cesse par les alluvions et les sédiments du rêve.
Je suis tombé des nues en lisant l’article.

Vous avez une prédominance pour la raison, prenant peu de risque en amour.
Dans un choix crucial, la raison l'emporte toujours sur les sentiments.

samedi 14 novembre 2020

Orange


 Dans mon rétroviseur, un angle mort. Un rectangle qui s'étrangle. Vision confuse à l'envers du ciel : l'arête

d'un toit, un tronçon de chaussée en dos d'âne. Des traits de feu.

Tout à l'heure, il y avait une route. Droite. Ton visage aminci, ton triangle jusqu'au front. Cap-bon et ses orangeraies. Une oasis, des maltaises bien mûres.
Maintenant, c'est la vue d'un jardinier andalou qui m'intrigue. A l'angle de ses lèvres, je devine un menton saillant. Des yeux noirs qui piétinent ton rire aux éclats. Tes lèvres sanguines comme une plaie.
Bon sang! Toi qui avait la ligne, voilà qu'elle se brise sous ton caftan. Dans la brèche, quelques mains secourables te brancardent à la sauvette. Désespérément. Peuvent-elles, par accident, garder les coupures de journaux de tes blessures oubliées? Comme une ligne de coeur alors infranchissable.
Une intersection de deux voies qui ne s'entendent plus.
Je t'appelle, tu ne me réponds pas sinon par un murmure à peine audible. Par la pression de tes doigts sur ma nuque qui poisse un fruit trop vite éclaté.
Je ne bouge pas. Tant que tu respires...

Dans mon rétroviseur, un angle mort. La sangle qui m'étrangle avec ton corps inerte. Des falbalas de perles, un coup de volant. Le pare-brise singeant une pluie de saphirs quand tout bascule. Tout à l'heure, il y avait un bord de plage. Ta main tatouée dans la mienne. Ma vie sous un angle différent. Si proches, tes regards savaient traquer mes points faibles. Tout ce qu'il n'était impossible de voir. Tout ce que je refusais de comprendre, dans la conduite d'amis trop complaisants.
Dépassés l'amour propre, les ego  Tu rectifiais mes écarts, mon angle de tir : mettais à nu mes défauts. Comme une évidence, un trait de bravoure...
Tout à l'heure, il y avait ton bouquet, des rires juteux, des nappes blanches. Cette voiture de location, capot fleuri. Un soleil brûlant sur une ligne d'horizon parfaite.
L'accolade entre parents. Et surtout ces toits en fuite que je voyais mourir plein écran.
Maintenant, il y a la route. Encore. Le ciel orangé. Ces lignes qui s'entrechoquent. Voiture, route, horizon. Celles qui se brisent, dans les contours d'une vie, incapable d'arrondir les angles.
Ils y a ces lumières agressives, tournoyants. Ces bruits de ferraille, linéaire sans épaisseur.
Ces odeurs d'agrumes veines de rouge.
Cette faille imprévisible où doucement je te perds.

(texte Jonavin)

jeudi 12 novembre 2020

Camille

 



Camille,


Ce soir, promis, je te ferai un petit. Fort, robuste et serré tout contre toi. Un petit que tu pourras choyer de tes mains et de tes lèvres. D'un nuage de lait, tu pourras deviner l'ébène de ses grands yeux noirs. Le grain de sa peau, l'écorce de son âme en cerise. Parce qu'en un mot, je sais où je t’emmènerai: à Rome.
Ce soir, Camille, je serais ton Barista. Ta fontaine de Trevi dans l'express de nos amours enivrantes. Sans amertume, j'inventerai ton ventre rond. Les envies de moka, les baisers en bouche. J'inventerai son regard un peu mousse, ses larmes brûlantes et toutes les vapeurs d'ivresse d'un philtre magique entre nous. Soudain l'hiver viendra fondre sur le bout de la langue. Tu entendras la poudre crisser, fouettée par la neige autour de tes doigts. En deux coups de cuiller à pot, tu pourras vivre chaque traction d'un enfant de la balle. Camille, pour toi, j'irai griller d'impatience mes incertitudes. Moulu de fatigue, boire la tasse à la fontaine. Je t'imaginerai Anita Ekberg, en robe du soir dans la Dolce Vita. Et quand les nuits deviendront floues, j'irai jeter une dernière pièce, à souhait...
Pourrai-je encore tourner le dos à ta crème de beauté? Oublier les parfums et les nuances de tes sourires, l'atmosphère excitante de nos corps l'un contre l'autre? Mais peut-être suis-je resté bébé...Ce que j'aime est en toi. J'ai tout préparé. Les bougies, la lumière tamisée, la chambre et les heures du réveil au compte-gouttes. Cet instant émotionnel où nous fermerons doucement les yeux.
Ce soir, promis Camille, je te ferai un petit. J'inventerai une eau-de-vie romaine. J'irai chanter des gloria. Je sais les promesses de mariage, les Mazagran du matin cafardeux, les cafés borgnes d'autrefois. Aussi j'apprendrai tes bouffées de chaleur, les présages payés au marc quand de mes yeux, grands comme des soucoupes, je vous emmènerai sur le zinc du petit prince. Ce soir, promis, mon amour, je te ferai un petit...café italien.
Mais viendras-tu?...

texte Jonavin

lundi 9 novembre 2020

Je n'attends rien de toi

 Je n’attends rien de toi.

J’ai des espoirs. Peut-être…
Mais je n’attends rien de toi.
Et si je n’attends rien de toi, c’est parce que je n’ai aucun droit sur toi.

Aucun de mes sentiments, aucune de mes passions, aucune de mes colères ou convictions ne m’autorisent à posséder, à influencer, à manipuler ton libre arbitre pour me satisfaire.
Je n’ai pas à t’enfermer dans mes propres désirs ou dans ce que j’estime être moral, ni a t’emprisonner dans mes peurs et névroses ; celles que je me connais comme celles que j’ai encore à découvrir.
Je n’attends rien de toi.

Je n’attends rien de toi parce que tu mérites de te découvrir en fonction de toi-même et non en fonction de moi, ou d’autres, et parce que je te souhaite véritablement libre de partager ou non, sans que tu aies à connaître la prison des culpabilités systémiques toutes ces fois où tu ne voudras rien donner.
Je n’attends rien de toi, parce que tu es toi, et non moi.

Je n’attends rien de toi pour toujours être surprise, jamais déçue. Pour que jamais tu ne te dise qu’un de tes choix pourrait me décevoir.

Je n’attends rien de toi parce que ça me rendra heureuse.

Je n’attends rien de toi parce que je sais que tout ce que j’attends de la vie, moi seule peut – moi seule doit – me l’offrir, et dans ce cheminement, me trouver, m’améliorer, me construire, et traverser la vie avec au coeur, la quête du vrai, et du libre.
Je n’attends rien de toi, donc, puisque je refuse de remettre entre tes mains des responsabilités qui ne doivent appartenir qu’à moi, même celles qui me terrifient. Ce n’est pas à toi de me valider, de me rassurer, de me guider, ou de me sauver de moi-même. Ce n’est pas à toi d’endosser, que je te la remette ou que tu me la vole, la souveraineté de ma conscience. Tu portes déjà la lourde tâche d’honorer la tienne.

(prose Mathilde)

dimanche 8 novembre 2020

La vie de Château



 Elle était montée in extrémis dans le train.

Encore secoué, 

Heureusement,  il y avait le jardin du Mail pour faire les cents pas avec mes pensées amoureuses.

Pour ceux qui ne le savent pas, l’Alaska est un cocktail qui vient du grand nord.
Un goût fort que j’avais goûté un après-midi. La Chartreuse était belle dès que je l’avais aperçu en jean et tee-shirt blanc. M'apostrophant de son délicieux accent, pour me demander l’horaire du château.
C’était une jeune fille au pair Irlandaise attendant de visiter la tapisserie de l'Apocalypse.
Etudiante en histoire, spécialisée dans l’art roman. Je me souviens encore de la voir assise sur le muret en pierre en train de déplier sa  grande chemise cartonnée aux motifs noirs et verts, rangeant soigneusement des gravures d’eaux fortes de l’Eglise de Cunault.
Pour la première fois, je sentais la chaleur montait dans le bas de mon dos.
Les mains moites, la gorge sèche,.
Dans un élan de générosité,
Je lui proposais la visite guidée des lieux. Elle avait accepté à condition que je la raccompagne à la gare de Saint-Laud pour le TER de Saumur.
Je connaissais un peu les aspects extérieurs du Roi René. Depuis deux semaines, je me gargarisais l’esprit avant de prendre mon service pour tuer le temps.
J'’avais choisi le médiéval,
Dans l’hôtellerie, la notion de service, linguistique, commerciale, technique et relationnelle est importante pour gagner plus en pourboires. J’avais beaucoup de retard par rapport à mes collègues qui maîtrisaient l'art de séduction. Forcément, je manquais d'automatisme, de connaissances, il fallait bien que je rattrape ce laps de temps pour les concurrencer.
Chaque après-midi, depuis les marches dans la galerie, je contemplais les groupes,  l’aisance des interprètes. Peu à peu mon blason imaginaire se dessinait mais j’étais encore loin d’être un guide de haute voltige. A 24 ans, je possédais une carte de demandeur d’emploi. C’était gratis et je profitais de l'aubaine pour me cultiver à l'œil. 
Mes extras à La Salamandre ne débutaient qu'à 18 heures. Pantalon noir, veste blanche, liteau blanc, c'est vrai quand j'y pense, j'entrais dans le monde chevaleresque.
Bien que je connaissais les couleurs de la trame, le jaune, le rouge et le bleu. Les termes de la gaude, de la garance et du pastel utilisés par les vacataires en toile de fond ne me disaient rien et je me demandais comment j’allais m’y prendre avec la belle Shanna pour lui expliquer 103 mètres de long, six thèmes de vingt cinq mètres.
Je me voyais mal relatant les actes d’apôtre de Saint-Jean l’évangéliste. Avec 14 tableaux sur une tapisserie en lisse de 4,5 mètres de haut, le tout conjugué sur des visions prophétiques comme un livre ouvert sur la liturgie céleste de Jésus Christ. Comment lui révéler les nombres 7 et 666 dont je ne maîtrisais ni les occurrences ni la guerre de cent-ans en filigrane médiévale.
Je crois que je m’étais vite embarqué devant les beaux yeux de la celtique.
C’était en juin, par chance les remparts étaient là. Je commençais donc mon chemin de ronde sur la courtine, histoire de lui faire prendre l’air angevin.
Le temps était splendide, je faisais remarquer à Barbarella que les poivrières avaient disparu des tours.
Au XVII siècle, la Bretagne et la Normandie n’étant plus hostiles au roi de France, celui-ci avait ordonné la déconstruction du château. Seules les coiffes avaient été rasées, grâce à un habile gouverneur qui avait désobéi au roi en faisant traîner les travaux.
Maintenant on pouvait admirer l'Anjou à ciel ouvert,
Elle prenait des photos.
Sur la tour nord, on apercevait le vieux pont de pierre de la Maine qui reliait le quartier de la Doutre. Du signe de la main, je montrais l'endroit de l’école nationale des beaux arts, lui expliquant chaque soir, ça regorgeait d'étudiants attablés dans les bars typiques aux maisons à pans de bois dans une ambiance  aux senteurs d’herbes brûlées.
De fil en aiguille, j'apprenais mon nouveau métier de tisserand mais je me demandais si mes petites histoires l’intéressaient.
Je la voyais maintenant qui s’attardait dans le jardin potager, se frottant les doigts avec de la lavande, me faisant signe de venir. Ce dont je ne manquais pas. M’offrant ses mains délicatement pour me les faire sentir comme on le ferait d’un baiser que l’on défroisse. Le cœur battant, je me rapprochais,
La galerie climatisée nous attendait...

samedi 7 novembre 2020

Proverbe américain


 "Ayez toujours confiance d'une femme qui chante dans sa baignoire"

jeudi 5 novembre 2020

Amalia

 Lacis de ruelles, fado d' un pincement de cordes. Dorés, les murs lépreux adorés, la cour pavée de Bairro Alto. Cette mélodie que tu joues, Cançao do mar, C' est la saudade du grand large. Celle de l' Electrico qui suppure ses bancs à la marée des poulpes éclairant la ville. Dans la houle des rues pentues, les goulottes clignent une ophtalmie purulente. Lambine, tu t' accroches au tramway qui peine à monter. Aux abcès de fièvre. A la chaleur étouffante.

Je suis arrivé comme un spectre, Francesco. Et c' est à la ville que je veux offrir mon dernier adieu. Entre cuir et chair, emmurée dans la salle d' attente du purgatoire des statues. Avant l' éternité.

Il est des escapades comme du fado : chagrin, déchirements, blessures. Lisbonne est pour moi un trajet du souvenir. Une plaie pour l' enfance perdue, Alfama justement et ces années d' apprentissage où je danse avec la mémoire.
Regarde, Mémé Ana do Rosario est pelotonnée sur sa banquette. Vêtue d' un châle qui ressemble à l' aube de Dieu, elle chuchote la miséricorde des passages. Celle des vivants. Mais en fermant les yeux pour éviter son regard, c' est surtout mon histoire que je surprends dans le souffle de la prière. Ici, une fête de l' école, les escaliers de faubourg, le linge saumâtre pendu aux fenêtres. Adolescente, j' y cousais les voiles de l' évasion quand sous mes paupières, j' entendais clapoter un impossible océan. Là-bas, les marches populaires et les cabarets de nuit. Le café Mondego, sanies de lumière et de poésie où la douleur funanbule ne cesse de grandir.
Silence, car on va chanter le fado! cries-tu...
Un avertisseur sonore beugle le prochain arrêt. Puis la rame s' ébranle à nouveau, lâchant les freins sur ces images d' enfants qui jouent dans la cour.
Ma fatrie, mon silence, ma chair que je ne connais pas. Que je ne connais plus. Alors je chante. Droite, figée, fière. Pour toi, Francesco. Et pour ce public qui m' écoute, le coeur lourd.
Dans les couinements métalliques, l' arpège de ma guitare portugaise s' accorde aux secousses. Rytmées par un ongle postiche de tortue, c' est pourtant un autre luth qui vient nous ensevelir dans sa carapace. Lenteur excessive. Le temps n' a plus de repères. Du pouce, je gratte un accord presque étouffé. Je me mêle à la viola de tes mots. A ces caravelles d' amour jetées au vent qui soudain claque comme l' exil de nos âmes en fuite. Déjà la mort habite le cimetière marin qui me borde les yeux.
Cançao do mar vivre et rêver avec toi dit la chanson. En queue du tram, je devine ton sourire à travers le hublot. Fuyard. Lointain. Ton visage égrène chacune de mes notes pincées tandis que peu à peu, tu t' éloignes. Même les écaillures de ma voix laissent derrière nous des miasmes de souffrance. Mais c' est mon amour qui pourrit, Francesco. Juste mon amour.

Tout près, Le Tage, mer de paille, crache ses plaies de feu dans le coeur des Lisboètes. Souvent la vie se charge de recouvrir les gloires défuntes. Il suffit d' un tramway pour la voir défiler, grimper ou descendre les sept collines du destin. Dans l' ordinaire de ma ville qui respire le fado.
Lacis de ruelles, fado d' un pincement de cordes. Dorés, les murs lépreux adorés. J' abandonne ma voix au conducteur. Le terminus de la Mouraria ne me relie plus à ce monde...

Cançao do mar (chanson de la mer)
Une pensée pour toutes celles
et à ceux qui aiment le fado

texte jonavin

lundi 2 novembre 2020

La pluie

 



Après la pluie, je marcherai sur l'eau. Dans les flaques d'une ville sans miroirs. Là, où les néons enseignent aux mirages l'illusion du vide.

Je chercherai les tourbillons de dunes, ton grain de sable. Tu me demanderas: Où est la mer?
Je te répondrai qu'elle n'existe plus. Battue par des vents arides, qu'elle n'en finit pas d'engloutir ton sourire. Tes yeux cernés, ton for intérieur. Qu'elle est une mare de sang, un désert sans fin. Une horloge mécanique. Mais les pépins sont des méduses de fumée. Des ronds de l'eau qui nous font croire aux ricochets d'un ciel tempête. Après la pluie, je marcherai tout droit, fuyant mon ombre.
J'éviterai les naufrages, les crevasses aux mains, les paupières lourdes. Je m’évanouirai, ébouriffant tes cheveux, embrassant ton front brûlant.

N'as-tu jamais cessé de regarder tomber la pluie? Les rues sans trottoirs, égouts, dégoûts de nos larmes débordantes. Je connais une machine à tuer le temps. Le rare cours d'eau d'un coeur broussaille, les grandes chaleurs, un été qui se souviendra. Je garderai alors mes vieilles chaussures, ton papillon sur l'épaule, un filet de voix.
Et demain, crois-moi, il fera beau...

(texte Jonavin)

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