mercredi 12 mai 2021

La paimpolaise

 

Depuis la côte de granit rose, le vent rase la lande.
En ce dimanche de mai, les rochers vêtus d'embruns embaument le sentier douanier.
Allongée, même si dans les pensées la paimpolaise réveille des linceuls de parfum.
C’est bien connu, la vie ne s’attarde ni hier ni aujourd'hui.
Mais en arrière, dans le croisé du hasard comment peut-on oublier un visage, c’est comme la providence refoulée.
Sur la jetée de Ploumanach, Gaëlle peut l'entendre, le suivre...
A marée haute, partout les ajoncs et l'agrostis, battue par la houle remonte le premier émoi. 
En face,
"Les 7 îles " là, où les oiseaux arrachent désormais un morceau du ciel comme une grande voile pour écraser ces années de doute.
Peuvent-elles encore gifler la dormeuse enflammée?
Les yeux rêveurs, Gaëlle attise le feu de l’aube comme pour saborder encore un ciel imbibé d’éclats violacés. 
Ce phare de granit, de roches tendres dont la flamme couleur miel éclaire des portions de nuit où d’emblée l’aréole soulève des linceuls d’embaumeur.
De ce visage hermétique, elle ne peut promettre la lune.
Sinon l’abandonner dans une pénombre recueillie. Là, où règne un désir d’expiation.
Cette lueur la protège des laideurs korriganes que sont l’ennui et la résignation. Qu’elle cueille en ronds de sorcières, chaque dimanche au fond du jardin, 
Aujourd'hui, elle n'ira pas déjeuner chez ses parents.
D’ici, elle peut humer le vent comme un animal, le suivre à sa trace…
Blottie entre les rochers, les cheveux dénoués au milieu des fleurs sauvages.
L’eau gerbe une écume douceâtre où la vie mordue par le ressac enrobe son silence.
Voilà donc ces fleurs bleuir l'océan. Le cœur qui pardonne?
La dormeuse s'enroule d'un bouquet de bruyère.
Sous un nœud, les sentiments écorchent le poing serré.
Elle le sent rougi, repu de vide, grignoté par les crevasses sous un châle encore transpirant.
Le hoquet lui monte à la gorge mais elle refuse les larmes.
Gaëlle fixe l'horizon, la mer semble figée.
D'avis, elle sourit que le phare n'aime pas éclairer les souvenirs d'une drôle de gangue...

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce texte, cher ami.
    Je le trouve plein de mystère et d'air marin, tout ce que j'aime.
    Est-ce ma photo qui t'aurait inspiré ? ;-)
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  2. Au début j'étais parti dans l'idée que l'héroïne recroisait son ex avec une autre et puis à force de relire mon texte, j'ai l'impression qu'elle le balance dans l'océan.
    C'est très vivifiant l'air marin surtout sur le sentier des douaniers.
    Quand une femme fixe l'horizon comme sur la photo, que faut-il faire...?
    J'adore serrer une femme contre moi,
    Et pour tous les mots, le silence qui emporte les amoureux dans le vent salé de l'océan.

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