jeudi 23 avril 2020

Candy box




Dans l’étoupe des trottoirs, mes cheveux filasse essuient quelques rires visqueux. Effluent urbain charriant ses peurs usées. La foule passe. Indifférente. Lentement, je remonte la route d’Aubuisson. Des murs cachou et mangés de rouille ont déjà grignoté le feu de l’aube. Comme atomisés par des essences de menthe anglaise, ils abandonnent leurs écorchures à des dragées de plomb.
Après avoir emprunté le boulevard, au sortir d’un immeuble en chantier, je souffle un peu.
Le ciel est à l’orage. Juste en face, un rouleau compresseur des travaux publics étale sa poudre d’Antésite. Aux commandes, Négus, hilare me jette un sourire de fer–blanc. Celui-là comme moi, semble s’amuser des sucettes parapluies de certains badauds. Soudain il explose de rire, Blackoïds Brown expectorant un noir d’ivoire à sa veste jaune acidulé. Son rire goudronneux me fait du bien.

Quartier Saint-Aubin, je me souviens avoir longé sur une centaine de mètres, la rue de la Colombette, aspirant le Hall aux Grains avec des Coco Boer achetés la veille au Paradis Gourmand.
Ce matin, étrangement, la Garonne s’est endormie dans un sirop de badiane. D’ici, je peux respirer ses liqueurs anisées tandis que je m’attarde devant la vitrine éclairée d’une épicière en blouse de vichy. Pensif, je me demande s’il lui reste des Magistra  Florent, quelques grises au goût amer ou encore des bergamotes rafraîchissantes d’avant-guerre. Sans doute pas.

Mais le gling, de sa porte qu’on ouvre, me rappelle, enfant, l’étalage des bocaux et la vente des bonbons au détail. C’est plein d’amertume que je m’éloigne de la boutique.
Dès la première rafale, j’entends l’appel du large. Dans le coquillage des roudoudous et leur voile de cellophane où tempêtent des caramels au beurre salé. Dans les cordages de sucre candi aux mâts de Twisty Pop frottés à la brique du centre-ville. Je presse le pas. Pour fuir cette foule de guimauve, encapuchonnée de berlingots tristes. Il pleut maintenant à grosses gouttes. Je ramasse les flaques sous mes semelles, ravi de mettre un soleil en boîte.

Je tâtonne mon gousset afin de m’assurer que le mien est toujours là. Il fut un temps pas si lointain où Bout de Zan mâchouillait aussi sa réglisse sur le bitume. J’y pense parfois comme ces grains de café au parfum de violette. A ces bâtons, en place d’une vieille palissade où le bois est mordillé du bout des lèvres.  Je garde en mémoire les pastillages parfumés d’Uzès. Ils jaunissaient les dents, effaçant d’un trait de gomme l’enclume du cœur et donnaient à la rue, une humeur joyeuse. Je n’ai pas trouvé les Bienfaits de Lajeunie rue d’Aubuisson. Ni les cachous goût blond, avenue de Larrieu.
Qu’importe, ce soir je prends le train pour Flavigny.
Je me retourne, le visage ruisselant. Au loin, Négus a déjà fondu avec un petit signe de la main…

(texte Jonavin)

2 commentaires:

  1. Un texte qu'on laisse fondre sur la langue comme une petite sucrerie d'antan. Pourtant, je préfère 100 fois le salé au sucré, faut pas m'en vouloir. ;-) Bises alpines... de loin et bonne semaine malgré tout.

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  2. Pourquoi t'en voudrai-je? moi c'est 50 % sucré,salé.
    bises salées de France

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