mardi 22 novembre 2022

La naissance


 Après le film du lundi soir,

Je montais doucement les escaliers en bois pour ne pas réveiller ma grand mère.

Mes pieds se réchauffaient doucement à la brique rouge entourée de papier alu.
En me retournant dans le lit,  je découvrais dans un tiroir de la table de chevet "  Mers du Sud", mon père devait aimer lire.
J'avais quitté mes parents, frères et sœur.  Je venais d'avoir 14 ans pour vivre seul avec ma grand-mère qui habitait dans le bassin minier entre Lens et Lille. Quelle idée! Tout ça pour ne pas redoubler ma 5ème en Normandie.
Je trouvais que la pédagogie du Nord me semblait plus facile.
C'est bizarre, je ne lisais point et n'ai jamais été attiré par les lectures. J'aimais penser dans le vide en regardant le vasistas de la chambre avant de m'endormir.
Pourtant, je ne manquais jamais un apostrophe chez Pivot,
La musique intro m'emportait avec la fin du générique. Rien de tel pour me donner le bourdon. Qu'est-ce que je les trouvais intelligent ces écrivains, c'est vrai,  la notion de répartie, d'analyse sur la vie, d'autocritique me fascinait, je me demandais si la hiérarchie existait entre eux.

Un soir de semaine pendant que je regardais le film. La porte avait sonné, une voisine de ma grand mère annonçait la naissance de mon frère. Et j'allais devenir son parrain.
Au petit matin,
Je me souviens encore des pub qui résonnaient dans la cuisine.
En descendant, la même odeur de café chicorée dans les escaliers, les jours se ressemblaient.
Et ma grand-mère, déjà, briquait la cuisinière. comment pouvait elle vivre dans la solitude toutes ces années? Et moi qui attendait impatiemment les vacances scolaires pour repartir voir ma famille.
Les traditions du nord avec le pain tranché dans son emballage blanc en papier, les gaufres fines fourrées à la cassonade, la soupe à l'ail fumé d'Arleux confectionnées par ma grand mère,
Le poêle à charbon, avec son tiroir aux petits bois, je me suis régalé de ces petits plats mijotés sur la grosse plaque en fonte.
J'Observais ma grand mère perpétuer ses gestes naturels. Levée chaque jour à la même heure. C'était une forme de méditation sans que je m'en aperçoive et pour elle une hygiène mentale quand elle s'affairait.
La grosse motte de beurre posée sur le verre transparent où le gros poste radio avec les stations inscrites en allemand me contait l'horoscope de 7 heures.


Après le petit-déjeuner, je versais l'eau bouillante dans la petite bassine jaune émaillée comme au temps des mineurs pour me laver. Le grand bain, c'était le samedi matin. La vie de ma grand mère paternelle était rythmée par des habitudes.
Dans la grande bassine en zinc, il fallait faire chauffer beaucoup d'eau et je m'en accommodais.  Avec le recul, je n'étais pas un garçon difficile mais je m'étais renfermé dans mon adolescence. Je ne sortais jamais, Mes seules évasions, la musique, la télé.
Chaque jour, me regardant dans la glace, mes cheveux soigneusement ordonnés avec un grand peigne en fer.
J'enfourchais le vélo pour partir au collège.

6 commentaires:

  1. Je découvre votre blog. En lisant ce texte (particulièrement bien écrit) me voilà renvoyé dans ma propre enfance partiellement à la campagne, chez les ch'tis comme on dit maintenant. C'était l'inverse de vous. J'y allais pour les vacances et le reste de l'année j'étais citadin. Mais on s'ennuie parfois autant à la ville qu'à la campagne.
    Merci pour votre écriture tellement évocatrice d'une époque qui semble-t-il fut aussi la mienne.

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    1. Merci de votre passage, ah l'enfance...Ca marque les esprits.
      Oui, AlainX me parle car je vous aperçois chez Dédé et Célestine dans les commentaires.
      Dans le nord, les villes se ressemblent, on ne sait jamais dans quelle ville on se trouve? Peut être avez vous une banche paternelle ou maternelle de cette région?
      Je ne sais pas si c'est votre cas, j'adore les gaufres fourrées à la cassonade, on devrait dire à la vergeoise mais sans le nord il prononce à la cassonade.

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    2. Dans le Nord j'ai un branchage complet, paternel et maternel. Si on remonte plusieurs générations, il semble que l'on débouche du côté de la Normandie. Quant aux gaufres fourrées à la cassonade, c'est évidemment un must ! À condition bien entendu qu'elles soient fabriquées par une grand-mère et cuites dans un moule en fonte sur un réchaud au gaz ! Sinon ça ne brûle pas les bords ! ;-)

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  2. Un vrai nordiste -;)
    Ah oui, maintenant c'est vous qui me renvoyait dans l'enfance, en effet j'aperçois ma grand mère dans la buanderie cuire les gaufres sur un trépied à gaz avec un moule en fonte noir avec une longe tige.

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  3. Tu racontes très bien ce que fut une partie de notre enfance...Les gaufres, c'est inoubliable. Bravo!

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